Quelques croisements entre les travaux de Sami-Ali et ceux de Deleuze et Foucault Jérôme Englebert de repérer sous ce nom, c'est (…) un ensemble résolument hétérogène comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques ; bref, du dit aussi bien que du non-dit, voilà les éléments du dispositif. Le dispositif lui-même c'est le réseau qu'on établit entre ces éléments (…) par dispositif, j'entends une sortedisonsde formation qui (…) a donc une fonction stratégique dominante (…). J'ai dit que le dispositif était de nature essentiellement stratégique, ce qui suppose qu'il s'agit là d'une certaine manipulation de rapports de force, d'une intervention rationnelle et concertée dans ces rapports de force, soit pour les développer dans telle direction, soit pour les bloquer, ou pour les stabiliser, les utiliser. Le dispositif, donc, est toujours inscrit dans un jeu de pouvoir, mais toujours lié aussi à une ou des bornes de savoir, qui en naissent, mais, tout autant, le conditionnent. C'est ça le dispositif : des stratégies de rapports de force supportant des types de savoir, et supportés par eux » (Foucault, 1977, cité par Agamben, 2006, pp. 8-10). Le dispositif s'inscrit donc dans une relation de pouvoir, ou, plutôt que d'être inscrit dans cette relation, il lui donne sa substance. Il appartient également à l'ordre tant de l'explicite que de l'implicite, du volontaire que de l'involontaire. Il s'agit donc à la fois d'un discours et d'un non-dit, qui instaure et construit autant un savoir qu'une logique d'existence. Le dispositif, plus qu'un objet quelconque, est avant tout un mode de gestion, d'organisation et de gouvernance. Il développe une stratégie qui s'adresse au sujet, à ses actes, ses actions et, bien sûr, à son corps. Plus que de simplement composer et dialoguer avec, le dispositif, en réalité, crée le sujet qui s'y exprime : « C'est pourquoi les dispositifs doivent toujours impliquer un processus de subjectivation. Ils doivent produire leur sujet » (Agamben, 2006, p. 27). Lorsque le lecteur lit subjectivation, il doit bien comprendre que celle-ci est instaurée et même imposée par le dispositif. Il ne s'agit pas de la subjectivité du sujet car « les sujets en position sont comme des vecteurs ou des tenseurs » (Deleuze, 1989, p. 316) pris dans « un écheveau, un ensemble multilinéaire » (Ibidem). Le dispositif crée donc des sujets-objets, il les façonne à l'image de ce à quoi le sujet lui semble devoir correspondre. Se crée une subjectivité imposée par le dispositif ; ici, la « subjectivité carcérale ». Selon cette logique, c'est même du dispositif qu'émerge le sujet : « J'appelle sujet ce qui résulte de la relation, et pour ainsi dire, du corps à corps entre les vivants et les dispositifs » (Agamben, 2006, p. La prison est le prototype du dispositif dans sa dimension la plus complète 1. Le dispositif carcéral est cette instance qui instaur...