La miniaturisation a été l'une des étapes déterminantes contribuant à l'avancée des technologies. En électronique et en informatique, par exemple, le nombre de transistors par microprocesseur a doublé tous les deux ans depuis 1961 (phénomène connu sous le nom de Loi de Moore) jusqu'à atteindre 1,7 milliards de transistors en 2008 pour l'Intel Itanium, qui fonctionne à 2 GHz, procurant une puissance informatique en croissance continue. En biologie et en médecine, la miniaturisation a été plus limitée : les systèmes robotisés, utilisés dans l'industrie pharmaceutique pour le criblage de composés chimiques en microplaques, ont permis une réduction de la taille des échantillons analysés jusqu'à des volumes de l'ordre du microlitre et des cadences d'environ un test par seconde avec des plaques de microtitration. Mais cette technologie est sur le point d'atteindre ses limites [1]. Les changements d'échelle liés à la diminution des volumes ou à l'augmentation des cadences font apparaître des barriè-res intrinsèques : d'une part, les systèmes mécaniques tels que les robots ne sont pas facilement miniaturisables, et d'autre part, la manipulation des liquides à des échelles submillimétriques (1 μL correspond à une goutte de 1 mm de diamètre) est limitée par l'évaporation relativement rapide des liquides (eau ou solvants) et les effets de surface. Il est donc clair que seul un changement technologique permettra de franchir le pas de la miniaturisation. Nous présentons dans cette revue les progrès récents qui permettent de réaliser des tests biologiques quantitatifs dans des microréacteurs de quelques picoL à quelques nanoL, à un très haut débit (plusieurs milliers de tests par seconde). Ces systèmes sont susceptibles, à terme, d'offrir une alternative robuste et efficace aux tests tels qu'ils sont pratiqués actuellement dans les laboratoires. Ces progrès, que désigne l'appellation « microfluidique en gouttes », sont basés sur le couplage de deux technologies complémentaires : la microfluidique [2] et la compartimentation in vitro [3]. La première permet la manipulation contrôlée de liquides à l'échelle submillimétrique -gouttes d'une émulsion -, la seconde permet de réaliser des tests biologiques dans les gouttes d'une émulsion d'eau-dans-l'huile. La combinaison des deux permet un changement d'échelle majeur dans la miniaturisation des tests, rendant possible la réalisation de tests quantitatifs sur des volumes faibles (quelques pL) et à très haut débit (1 000 par seconde).