La figure de « l’ouvrier-machine » – dont le publiciste Lemontey annonçait dès 1801 qu’il serait « timide et sédentaire », « prodigieusement ignorant, crédule et superstitieux » – est un enjeu de débat récurrent aux premiers temps de l’industrialisation. En explorant les usages de l’expression « ouvrier-machine » et les interprétations contradictoires qu’elle suscite dans la première moitié du xix e siècle chez les théoriciens de l’économie politique et parmi les artisans et ouvriers qui prennent la plume pour décrire leur condition de travail, l’enjeu est d’explorer la généalogie et les fonctions de ce thème de l’homme-machine. De la condamnation morale de l’ouvrier aliéné et esclave du machinisme à la célébration de l’ouvrier devenu « pure intelligence », tout un spectre de significations s’élabore pour caractériser cette figure nouvelle aux premiers temps de l’âge industriel et ainsi tenter d’en fixer les contours et les significations.