Cet article analyse comment les mères d’une cité marseillaise négocient au quotidien le conflit entre la police et le trafic de drogue qui pénètre leurs espaces de vie. À partir d’un travail ethnographique mêlant entretiens, observations, cercles de parole et usage réflexif et analytique du dessin, je montre qu’elles subissent une dépossession spatiale qui se manifeste par des atmosphères sous tension, des répressions corporelles et des instrumentalisations. Ces mères s’appuient alors sur une respectabilité locale, à la fois ressource et norme, pour déployer des tactiques spatiales de mise à distance, de surveillance et d’intervention. À travers trois figures, celle de la femme voilée, de la bonne mère, et de la grande gueule marseillaise, j’illustre les imbrications entre les manières de négocier l’espace et de se définir moralement vis-à-vis d’une pluralité de regards. L’article démontre ainsi l’intérêt d’une approche intersectionnelle de l’espace, capable de saisir les privilèges et vulnérabilités simultanés qui se (dé)jouent différemment selon les situations.