RésuméBien qu’en Russie l’agriculture ait été privatisée il y a plus de dix ans, elle reste à implanter sur le plan individuel. Les obstacles économiques que doivent affronter les agriculteurs laissés pour compte sont, dans la plupart des cas, presque insurmontables. De plus, ceux qui tentent l’expérience de l’agriculture en entreprise privée et qui quittent l’exploitation collective doivent également être prêts à quitter symboliquement la communauté. En effet, bien que pour certains l’entreprise privée soit tentante et les perspectives du marché alléchantes, pour d’autres la discutable valeur morale de l’économie capitaliste ne s’est pas avérée suffisamment satisfaisante pour les inciter à abandonner l’exploitation collective telle qu’elle est maintenant réorganisée. Une économie dite émotionnelle, qui, avec les contraintes matérielles, guide les choix individuels dans les pratiques de subsistance, peut être élaborée comme une autre voie que les approches néoclassiques de la propriété privée. De nombreux habitants des zones rurales continuent à maintenir l’identité collective de leur travail agricole du fait qu’elle est étroitement liée avec les concepts socio-affectifs historiques de « travail », « vie » et « culture ». Fondé sur plus d’une année de recherches de terrain sur des fermes auparavant collectives, cet article étudie les conséquences complexes de la privatisation dans un village russe sur les plans émotionnel, économique et social.