Résumé
Au sein de l’enseignement de l’oral, il est souvent difficile de convaincre les didacticiens du français qu’un recours à la phonologie et à la phonétique faisant place à la variation et la diversité des usages est possible et souhaitable. Pourtant, dès la fin du 19ème siècle, une autre pratique était défendue par des jeunes phonéticiens dont Paul Passy, auteur des Sons du français (1887) et coordinateur de la mise en place de l’API. Passy, à cause de ses engagements socio-politiques et religieux, de sa défense souvent mal comprise de l’API et de son combat pour la réforme de l’orthographe, est fréquemment relégué à une place relativement mineure dans l’histoire de la phonétique du français. Nous démontrons ici que les nombreuses révisions des Sons du français fourmillent de descriptions fines et de remarques sur des changements en cours qui, dans bien des cas, seront redécouverts dans la deuxième partie du 20ème siècle sans mention de son travail. Nous abordons alors la question de la norme et l’attachement de Passy à la variation et montrons sa modernité à travers son traitement de la prosodie, des unités distinctives, des réalisations allophoniques et de la transcription phonétique.