Introduction
Peu d’études ont évalué, dans l’ensemble d’une population, les conséquences
de la dépression en matière de pertes dues à la mortalité prématurée d’une part et à la qualité
de vie liée à la santé (QVLS) d’autre part. L’espérance de vie ajustée en fonction de la santé
(EVAS) est une mesure synthétique de la santé de la population qui combine la morbidité et
la mortalité en une seule statistique succincte décrivant l’état de santé d’une population à un
moment donné.
Méthodologie
Nous avons estimé la QVLS de la population canadienne adulte en fonction
de la présence ou non de dépression. Nous avons effectué un suivi de la mortalité, de 1994 à
2009, des participants à l’Enquête nationale sur la santé de la population (ENSP) (n = 12 373)
de 20 ans et plus, là aussi en fonction de la présence ou non de dépression. La dépression a
été définie comme l’état d’une personne susceptible d’avoir connu au cours de l’année
précédente un épisode dépressif majeur au sens du formulaire abrégé de l’Entrevue composite
diagnostique internationale. L’espérance de vie a été estimée en créant des tables abrégées
de mortalité selon le sexe et l’état dépressif à l’aide des risques relatifs de mortalité de l’ENSP
et des données sur la mortalité du Système canadien de surveillance des maladies chroniques
(2007 à 2009). L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (2009-2010) a
fourni des estimations de la prévalence de la dépression, et l’indice de l’état de santé Health
Utilities Index a permis de mesurer la QVLS. L’EVAS de la population adulte a été mesurée en
fonction de la présence ou non de dépression et en fonction du sexe à l’aide des estimations
combinées de la mortalité, de la prévalence de la dépression et de la QVLS.
Résultats
Chez les femmes ayant connu récemment un épisode de dépression majeure,
l’EVAS à 20 ans était de 42,0 ans (IC à 95 % : 40,2 à 43,8), contre 57,0 ans (IC à 95 % : 56,8 à
57,2) chez les femmes n’ayant pas vécu récemment d’épisode de dépression majeure. Au sein
de la population masculine canadienne, l’EVAS à 20 ans était de 39,0 ans (IC à 95 % : 36,5 à
41,5) chez ceux qui avaient connu récemment un épisode de dépression majeure, contre
53,8 ans (IC à 95 % : 53,6 à 54,0) chez ceux n’ayant pas connu récemment d’épisode de
dépression majeure. La différence de 15 ans dans l’EVAS des femmes avec et sans épisode
récent de dépression majeure peut se décomposer en 12,3 ans attribuables à l’écart de la
QVLS et 2,7 ans à l’écart observé en matière de mortalité. Les 14,8 années de moins d’EVAS
chez les hommes ayant souffert de dépression correspondent à un écart de la QVLS de 13 ans
et à un écart de mortalité de 1,8 an.
Conclusion
La population canadienne adulte atteinte de dépression au Canada avait une
espérance de vie en santé considérablement plus faible que celle ne souffrant pas de dépression,
chez les hommes comme chez les femmes. Si la majeure partie de cet écart s’explique
par des niveaux moins élevés de la QVLS, la mortalité prématurée joue également un rôle.