L'heure du bilan de l'africanisme « dit » de Balandier a-t-elle sonné alors que les Cahiers fêtent leur demi-siècle ? Une telle entreprise demanderait non seulement beaucoup d'ambition, mais elle prendrait peut-être également une tournure frauduleuse. En effet, pour la mener à bien, il faudrait d'une part pouvoir donner un contenu précis et concret au terme d'africanisme, et d'autre part s'assurer que celui qu'on considère comme son géniteur en revendique le contenu. Penchons-nous sur le premier point. S'il fallait qualifier le terme « africanisme », l'adjectif malheureux serait peut-être le plus adéquat. Malheureux tout d'abord, car entouré d'une confusion chronologique. Avant le discours de G. Balandier inaugurant en 1962 la chaire de sociologie africaine de la Sorbonne, le terme africanisme, aujourd'hui souvent paré de l'adjectif « colonial », désignait un ensemble de recherches menées durant plusieurs décennies par des administrateurs coloniaux tout d'abord, puis par Marcel Griaule et les membres de son école. Si on sait que le second africanisme s'est construit contre ce premier, le double emploi du mot n'a fait qu'obscurcir ses acceptions. Malheureux ensuite, car très vite contesté (le II e congrès des africanistes à Dakar en 1967 lui préférait déjà le terme d'études africaines), comme l'atteste le ton pessimiste des quelques tentatives de bilans proposées : qu'on remarque son impasse envers ses propositions de nouveaux programmes ou de nouvelles sciences (Copans 1979 : 55), la déstabilisation de ses partisans et de ses objets (Dozon 2002) ou son caractère émietté (Darbon 2003 : 6), l'africanisme apparaît comme souffrant d'un tel manque d'homogénéité théorique que seul « un sentiment de communauté non raisonné » (ibid. : 7) le légitimerait. L'aspect hétéroclite des analyses réunies en hommage à Balandier dans Afrique plurielle, Afrique actuelle (Bonnafé et al.