La sérotonine : un rôle complexe dans la dépression et le remodelage osseux Éditorial > Parmi les neuromédiateurs, la sérotonine (de dénomination chimique 5-hydroxy-tryptamine ou 5-HT) est certainement l'un des mieux connus, grâce aux -ou à cause des -nombreux articles et reportages que les médias consacrent à la dépres-sion. De fait, il s'agit d'une psychopathologie en constante progression dans nos sociétés libérales. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) nous prédit même qu'elle sera, dans 10 ans, la première cause de morbidité chez la femme, la deuxième chez l'homme (après les maladies cardiovasculaires). Et tout le monde sait que les antidépresseurs les plus utilisés aujourd'hui (escitalopram, sertraline, fluoxétine, paroxétine, etc.) sont des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) dans divers types cellulaires (neurones sérotoninergiques, plaquettes sanguines, lymphocytes, cellules pancréatiques , cellules endothéliales, etc.), et que leur action thérapeutique est étroitement liée à leur capacité à élever les taux extracellulaires de cette monoamine dans le cerveau. Cependant, en conclure que la dépression est, au contraire, associée à un déficit de la production de 5-HT dans le système nerveux central (SNC) reste une assertion largement infondée, pour plusieurs raisons. D'abord, parce qu'il s'agit d'une pathologie extrêmement complexe qui fait intervenir de très nombreux facteurs -génétiques, épigénétiques, hormonaux, etc. -et se traduit par des altérations anatomo-fonctionnelles dans plusieurs régions cérébrales comme l'hippocampe, l'amygdale, le cortex préfrontal [1]. Ensuite, parce que la 5-HT n'agit pas d'un seul bloc, par une action positive ou négative, mais exerce des effets multiples via de très nombreux récepteurs codés par une quinzaine de gènes distincts [2]. Ainsi, l'activation de certains d'entre eux, par exemple les G protein coupled receptors (GPCR) de type 5-HT 1A et 5-HT 1B , entraîne une hyperpolarisation membranaire, inhibitrice, alors que celle des types 5-HT 2 , 5-HT 4 , 5-HT 6 et 5-HT 7 déclenche au contraire une dépolarisation, excitatrice. S'agissant des grandes fonctions contrôlées par la 5-HT, cette dualité d'action va de pair avec l'implication de multiples récepteurs à l'origine d'effets opposés. En l'occurrence, pour ce qui concerne l'action antidépressive des ISRS, l'activation des récepteurs 5-HT 1A qui résulte de l'élévation des taux extracellulaires de la 5-HT est certainement une composante positive importante. En revanche, l'activation des récepteurs 5-HT 2A , 5-HT 2C , 5-HT 4 et 5-HT 7 est au contraire une composante négative, et, de fait, ce sont