Chaque matin, des exilés se pressent au rond-point de Marsa, site informel de l’embauche de Malte. Souvent en vain, ils attendent d’obtenir un emploi journalier dans l’industrie du bâtiment. L’attente assidue de ceux qui forment ce que l’on pourrait appeler « l’armée industrielle de réserve » locale, destinée à n’être employée que par intermittence, seulement lorsque la production l’exige, invite à opérer un déplacement depuis la traditionnelle question du consentement au travail vers celle du consentement à l’attendre. En explorant l’art de la patience que prônent les journaliers, l’article montre que celui-ci régule la compétition pour l’emploi entre « réservistes » et s’impose comme un mode de domestication de l’obligation d’attendre, comme une modalité à travers laquelle la contrainte de l’attente devient consentie. En tant que prescription éthique populaire, la patience apparaît ainsi comme la déclinaison individuelle des lois générales dictées par le fonctionnement du capitalisme local et ses besoins erratiques en main-d’œuvre.