Dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée en Suisse, les pratiques actuelles entourant la mort (« faire la mort ») (Soom Ammann et al. 2016) sont fortement influencées par le concept normatif occidental contemporain de la « bonne mort », qui met l’accent sur la détermination de l’individu à mourir dans la dignité, la pleine conscience et l’acceptation (Hart et al. 1998). En même temps, la prise en charge institutionnelle de la vieillesse est confrontée à des changements sociétaux tels que l’augmentation de la diversité parmi les résidents et le personnel soignant et l’admission très tardive de résidents ayant souvent des problèmes de communication liés à leur santé. À partir des données recueillies lors d’une recherche de terrain ethnographique à long terme dans des centres d’hébergement et de soins de longue durée en Suisse, cet article illustre la façon dont les efforts du personnel soignant pour permettre une « bonne mort » ne s’arrêtent pas à la mort biologique du résident, mais s’étendent aux pratiques de préparation du cadavre « joliment ». Exposant deux cas de soins post-mortem, nous décrivons d’abord les pratiques du personnel soignant telles qu’elles sont usuellement mises en oeuvre dans le cas d’une « bonne mort ». Puis, nous recourons à un cas perçu comme une « mauvaise mort » pour discuter des pratiques consistant à rendre une mort « meilleure » rétrospectivement. Nous avançons que — surtout si les proches n’ont pas exprimé de souhaits particuliers concernant les soins post-mortem ou si les pratiques de l’établissement au sujet des soins post-mortem ne sont pas hautement détaillées —, les membres du personnel soignant peuvent disposer d’une certaine latitude d’interprétation pour donner au corps du défunt un aspect qui corresponde également à leur propre conception d’un « cadavre de belle apparence ». Nous avançons que cette pratique est un élément important des stratégies professionnelles des membres du personnel pour faire face à leur expérience répétée de la mort et de la fin de vie dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée. Nous concluons que les pratiques de soins post-mortem que nous avons décrites, qui consistent à (re)créer une « bonne mort », devraient être considérées comme faisant partie intégrante de « faire la mort » dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée dans une société occidentale contemporaine fortement diversifiée telle que la Suisse.