Cet article s’intéresse au rôle qu’a pu avoir Facebook dans la jonction qui s’est faite entre les Gilets jaunes français et les « Convois de la liberté » canadiens au début de l’année 2022. Alors que le mouvement des Gilets jaunes se caractérise par une activité orientée vers l’échelle locale, cette rencontre interroge la capacité des réseaux socionumériques à favoriser une internationalisation des luttes sociales. À partir de l’observation de publications d’un groupe Facebook, et de reportages diffusés en direct par un média indépendant lié au mouvement des Gilets jaunes, la recherche présentée montre que les affordances de la plateforme ont à la fois permis de faire circuler des messages générés depuis les manifestations outre-Atlantique, et produit un cadrage opposé au discours des médias dominants. Premièrement, la visibilité accrue des messages postés par des citoyens ordinaires équipés de smartphones tire parti de l’algorithme qui privilégie les contenus générant un fort engagement de la part des internautes. Cet engagement est également favorisé par les fonctionnalités de la plateforme qui permet une interaction entre participants. D’autre part, ces messages ont su trouver leur public grâce à une éditorialisation qui a rejoint la culture politique des Gilets jaunes. À cet égard, les formes alternatives de journalisme, produisant de l’information depuis les luttes sociales, se distinguent par un format éloigné des formats journalistiques traditionnels, en privilégiant un regard subjectif et engagé. Toutefois, cette activité se trouve elle aussi soumise à des impératifs d’audience, illustrant l’autonomie finalement relative accordée par les plateformes au journalisme indépendant.