La stabilité de la démocratie ne dépend-elle pas de l’adaptabilité du régime et de l’aptitude des sociétés démocratiques à répondre à certaines aspirations linguistiques visant à distinguer, sans pour autant tomber dans l’écueil de la division? C’est là un des défis qui se posent aux sociétés pluralistes en général, et plurilingues en particulier. Dans cet article, nous montrons que le contexte politique canadien, plus que de reconnaitre les différences culturelles données au sein d’une société canadienne présentée comme multiculturelle, rend possibles l’invention de distinctions et l’aménagement d’une forme de protection linguistique, grâce à la politique officielle du bilinguisme, entre autres. Cependant, une telle politique de protection s’accompagne d’une contrepartie : en même temps qu’elle permet et rend possible, la législation sur les langues officielles encadre et contraint non seulement l’action politique des principaux leaders communautaires, mais également leurs réflexions identitaires. L’article part d’un premier constat : à cause des peurs du risque d’assimilation linguistique et des conflits politiques qui en ont résulté, une politique de bilinguisme officiel a progressivement vu le jour, cherchant tout à la fois à rassurer les gens, à limiter le risque et à garantir au Canada une forme satisfaisante de « paix linguistique ». Sur ces prémices, nous voyons ensuite que ce contexte de bilinguisme officiel a marqué les réflexions autour de la notion de francophonie et d’aspects politiques de la francophonie au Canada. Enfin, nous cherchons à déterminer si le travail de reconnaissance, de revendication et de représentation entrepris par les principaux acteurs de ces réflexions identitaires ne constitue pas la voie d’accès à un régime différencié de citoyenneté pour les francophones en situation minoritaire au Canada.The stability of a democracy should depend on the regime’s adaptability and on democratic societies’ ability to respond to certain linguistic aspirations which are aimed at distinction, without falling into the trap of division. This is one of the challenges that pluralist societies generally face and in particular, societies that are plurilingual. This article demonstrates how the Canadian political context goes beyond the recognition of cultural differences in a multicultural Canadian society, by allowing for the invention of distinction and the development of linguistic protection, thanks to, among other things, a policy of official bilingualism. However, such a protection policy has a counterpart: although it allows for and makes possible, legislation of official languages also frames and constrains the political action of community leaders as well as their ideas about identity. This article begins with an initial statement of fact: fears related to the risk of linguistic assimilation and resulting political conflicts have progressively fueled a policy of official bilingualism as a way of reassuring people that these risks are limited, and also to guarantee that Canada has a satisfactory...