Cet article revient sur une recherche originale menée auprès des acteurs du Golfe du Laugier qui visait à identifier les composantes de la mémoire collective susceptibles de devenir des ressources mobilisables dans le cadre de l’adaptation des communautés locales au changement climatique. En prenant appui sur un conflit latent opposant les pêcheurs à pied professionnels et les acteurs de la protection de la biodiversité autour de l’accès à un gisement de coques situé dans la Réserve naturelle du Golfe, ce texte prend acte de la disparition d’espaces facilitant le dialogue entre savoirs d’usage et savoirs experts au moment de réfléchir à la gestion de l’écosystème. Cette situation impose une réflexion quant à la manière dont chacun de ces groupes parvient ou non à s’approprier l’estran sur le plan symbolique ainsi que sur le rôle joué par la mémoire dans la fabrique d’un lieu anthropologique qui leur soit propre. Il apparaît alors que les ressources mémorielles mobilisées par les acteurs de la biodiversité induisent une légitimation plus aisée de leur action auprès des acteurs institutionnels quand celles des pêcheurs à pied de coques participent à leur invisibilisation voire à leur exclusion. Pourtant, l’agilité avec laquelle la mémoire collective de ce groupe professionnel se reconfigure pour s’adapter au contexte de l’ensablement du Golfe témoigne de l’intérêt de laisser une place aux représentations d’un lieu marqué par le mouvement et la transformation au moment où les sociétés doivent composer avec les conséquences incertaines du changement climatique.