médecine/sciences> Les modèles explicatifs du cancer ont évolué en relation étroite avec les connaissances biologiques et leurs transformations. La situation n'est pas différente aujourd'hui. Les nouvelles techniques, comme le séquençage à haut débit, sont en train de transformer, d'une manière encore imprévisible, notre conception du cancer. La biologie des systèmes, l'épigénétique et les travaux sur les cellules souches renouvellent la vision du cancer et de son évolution. De nouveaux rôles sont donnés aux phénomènes aléatoires. Dans l'opposition traditionnelle dans la pensée biologique entre holisme et réductionnisme, c'est à un niveau intermédiaire, celui de la cellule, que l'étude de cette maladie apparaît la plus pertinente. <
Histoire de la biologie et histoire des théories sur le cancerChaque avancée de la biologie a très rapidement conduit à la genèse d'une nouvelle « théorie du cancer ». La mise en place de la théorie cellulaire amène Rudolf Virchow à proposer en 1858 la notion de maladie cellulaire dont lui et ses collaborateurs montreront rapidement que le cancer en est la meilleure illustration. En quelques années sont réunies les différentes formes de cancers, tumeurs solides, leucé-mies, lymphomes. Les caractéristiques des cellules cancéreuses et la modification de ces caractéristiques avec l'évolution de la maladie sont décrites ; en découle une méthode de diagnostic, et en partie de pronostic. Est découvert aussi le phénomène de migration des cellules hors de la tumeur d'origine, suivi de la formation de métastases. Quelques années plus tard, de manière indépendante et en partie antagoniste, la description du rôle des microorganismes dans la genèse des maladies infectieuses conduit de nombreux biologistes à rechercher, parfois avec des succès illusoires, les « microbes du cancer ». Après la découverte des virus filtrants, cette recherche, jusqu'alors peu fructueuse, laisse à partir de 1903 et du travail d'Amédée Borrel la place à celle, bien plus riche d'avenir, des virus du cancer. La place croissante que prennent, à partir de la redécouverte des lois de Mendel en 1900, les gènes dans les explications des biologistes amène progressivement ces derniers à envisager que des mutations soient à l'origine des cancers. Cette hypothèse sera lentement confortée par la caractérisation des substances cancérigènes présentes dans l'environnement et la démonstration de leurs effets mutagènes. , reflète bien l'histoire des recherches sur le cancer comme nous le montrerons dans la première partie de cet article. Il ne faudrait pas en déduire pour autant que l'état des connaissances détermine la nature des modèles explicatifs du cancer. Nous verrons dans la deuxième partie que la théorie des mutations somatiques, aujourd'hui dominante, n'est pas le seul modèle qui ait été proposé lorsque la biologie moléculaire s'est imposée au début des années 1960. De même, nous mettrons en avant dans la troisième partie deux caractéristiques du cancer -être une maladie cellulaire et le fruit d'un processus évolutif -dont la ...