La procréation dans la société burkinabè fait l’objet d’une importante promotion
sociale au point qu’évoquer le désir d’enfant relèverait presque d’un truisme tant il semble
aller de soi. En tant que construit social investi d’un ensemble d’enjeux privés comme
sociétaux, celui est très rarement mis en lien avec l’avortement, qui, dans l’imaginaire,
suppose l’absence de désir d’enfant au moment où la grossesse survient. Cependant,
travailler sur le processus de recours à l’avortement chez les jeunes à Ouagadougou au
Burkina Faso a permis de mettre au jour des grossesses désirées et planifiées, puis
volontairement interrompues. L’objectif de cet article est de rendre compte de ces « désirs
d’enfant non aboutis » ainsi que des contextes dans lesquels ils surviennent. Des entretiens
individuels avec des jeunes femmes et hommes célibataires révèlent un désir d’enfant aussi
bien féminin que masculin qui, lorsqu’il se manifeste (ou lorsqu’il est convoqué), peut
simplement servir de monnaie d’échange dans les rapports de genre dans lesquels les jeunes
femmes et hommes sont insérés. Ainsi, les contraintes qui jalonnent le parcours vers l’âge
adulte, de même que les idéologies dominantes et pressions autour du mariage, de la
procréation et de la réussite sociale induisent de plus en plus la naissance et la
matérialisation du désir d’enfant chez les jeunes, qui apparaît alors comme une stratégie
parmi une pluralité d’autres dont la finalité est de se faire épouser (ou d’imposer une
relation amoureuse) et/ou d’atteindre une « réussite sociale ». Néanmoins, une fois que la
grossesse survient, la rupture de projets matrimoniaux et la stigmatisation de la
procréation prémaritale concourent à faire de celle-ci un risque pour la trajectoire de vie
jeune, et contraindre au recours à l’avortement.