Cet article propose d’étudier la mise en œuvre d’une résistance locale de propriétaires fonciers qui est parvenue à faire suspendre un projet de transformation territoriale porteuse d’espoirs multiples. En Bretagne, une région très fortement marquée par un modèle agricole industriel qui subit de vives critiques, l’équipe municipale d’une commune littorale a lancé un projet de « reconquête » de plusieurs centaines de terres agricoles dites « friches ». Les effets espérés étaient divers : relocalisation alimentaire, production biologique pour la restauration collective, création d’emplois, retour d’un paysage bocager. Alors que le projet, largement acclamé, se met en route, il se heurte à une mobilisation inattendue : un groupe constitué de propriétaires des petits terrains agricoles enfrichés se mobilisent et bloquent l’action. Comment leur conception de la terre devient-elle un moteur de résistance ? L’enquête ethnographique auprès des habitant·e·s, propriétaires et pouvoirs publics, a fait émerger la concurrence de relations antagonistes à la terre, qui est assemblée alternativement comme ressource, héritage ou lieu de nature.