En 1947, dans un article intitulé « American Literature through French Eyes », Henri Peyre soulignait la position de prestige et d'influence inédite acquise par le roman américain sur la scène littéraire mondiale depuis une vingtaine d'années : « "Traduit de l'américain" has become a magical catchword in Paris, and a quick selling device for book publishers » (421). Selon Maurice Nadeau, ce seraient les « signes d'essoufflement » que donne la production nationale (77) qui expliquent l'enthousiasme suscité en France, dès avant 1940, par ce que l'on appelle alors « le nouveau roman américain ». Avec lui, précise-t-il dans Le roman français depuis la guerre, les jeunes romanciers hexagonaux découvrent[…] la vie, sous ses aspects parfois brutaux et élémentaires, les grandes pulsions d'une humanité « moderne », urbaine et industrielle, qui s'accommode mal du joug social comme des limites de sa condition, la violence des rapports sociaux et celle des passions, la franchise souvent audacieuse de l'expression. […] Du moins, Hemingway, Dos Passos, Steinbeck et Faulkner apportent-ils de l'air, de l'eau, de la lumière à un roman français en voie de dessèchement et à bout de souffle. (80)Comme le commente Jean-Paul Sartre dans un article intitulé « American Novelists in French Eyes » (1946), il faut toutefois un certain temps pour que les romanciers français s'approprient ce nouvel apport :It takes some time for an influence to produce its effect, and it was during the German occupation, when the Germans forbade all printing and reprinting of American books, that we began to see in France the greatest number of works inspired by this new manner of writing. It seemed as if, cut from their habitual dose of American novels, the French began to write some themselves in order to have something to read. (114) Dans la suite de l'article, Sartre illustre ses propos en citant un certain nombre de titres accompagnés d'un commentaire : L'Étranger de Camus, dont la technique est empruntée, dit-il, à The Sun Also Rises de Hemingway, Un homme marche dans la ville, roman posthume de Jean Jausion (« you might be reading Hemingway -the same short brutal sentences, the same lack of psychological analysis, the same heroes » [114]), Les Léo Malet ou le roman noir américain made in France Transatlantica, 2 | 2022 movement, Malet, in fact, did not copy but subverted the traditional aesthetics of noir fiction by injecting into it, among other things, the surrealist practice of décollage, a technique that breaks the barriers between literature and the visual arts.