Quelles conditions permettent aux associations d’influer sur l’action publique et, en particulier, sur le volet assistanciel de l’État social ? En mobilisant une enquête archivistique et une approche en termes de champ de production d’une politique spécifique, cet article y répond à partir d’un cas : les rapports de force qu’entretiennent, au sujet du vagabondage, les responsables de la Fédération des centres d’hébergement (FCH) et les autorités ministérielles entre les décennies 1950 et 1970. Cette fédération associative veut transformer le traitement public des vagabonds, en le faisant passer de la répression à l’assistance. L’article montre qu’initialement ses membres, recevant le soutien d’individus d’autres champs, rallient à leur cause les représentantes et représentants ministériels dans le cadre d’une commission. Leur stratégie leur permet de faire en sorte que toutes les personnes qui y participent trouvent un intérêt à faire accéder les vagabonds à l’aide sociale. Inversement, l’échec de la dépénalisation du vagabondage – soit le projet le plus ambitieux de la FCH – découle de l’impossibilité à faire s’accorder une nouvelle fois des visions du monde et investissements divers, même de manière équivoque. Ainsi, l’article donne à voir que les associations peuvent être autant motrices que vectrices de politiques publiques. Cela pouvant varier selon les relations d’interdépendance et les interactions entretenues entre agents de divers champs (associatif et administratif, mais pas uniquement) lors de la fabrique de l’action publique.