Cet article propose une sociologie politique des responsables d’organisations humanitaires islamiques, en se focalisant sur les processus de dépolitisation affectant leurs engagements religieux. L’analyse s’appuie principalement sur des données ethnographiques récoltées en tant que bénévole au sein de plusieurs ONG françaises de 2017 à 2021. L’hypothèse est que l’engagement humanitaire suit des dynamiques différenciées de dépolitisation selon la génération militante : tandis que les fondateurs du Secours islamique France optent pour une relégation du religieux dans la sphère privée, les nouveaux acteurs de l’humanitaire musulman mettent en avant une technicisation de leurs compétences militantes. Si les responsables des structures étudiées partagent certaines caractéristiques sociales facilitant leur entrée en humanitaire, leurs engagements se font à des moments différents de leur carrière militante. Surtout, ces deux modalités de dépolitisation se comprennent de manière relationnelle, les circulations entre associations renforçant l’apprentissage itératif des contraintes politiques.