2 Caractérisation des rapports instanciés par la préposition à dans son emploi dit spatial
Abstraction, localisation et inférenceDe par son origine latine, la multiplicité de ses emplois et la commutation possible avec d'autres marqueurs, la préposition à est généralement considérée par grammairiens et linguistes comme étant abstraite, incolore ou vide (Brunot et Bruneau, 1956[1933 ; Wartburg et Zumthor, 1973[1947 ; SpangHanssen, 1963 ;Cadiot, 1997a). Cette abstraction se traduit, dans ses emplois spatiaux (répondant à la question Où est X ?), par une caractérisation essentielle : l'a-descriptivité (Hernández, 2007(Hernández, , 2010. En effet, à la différence des prépositions considérées comme colorées ou sémantiquement pleines, ce relateur semble rendre compte d'une spatialité idéalisée, non fractionnée (Cadiot, 1997b : 200), sans détails contingents. La polarité abstraction-matérialité se traduit par une distinction entre localisation et configuration (Vandeloise, 1988). Par opposition à la configuration -opération de type descriptif, particularisante et nettement spatialisante, induite par des marqueurs plus colorés comme dans et sur -la localisation évoquée par la préposition à suppose un repérage a-descriptif qui situe une cible dont la position est inconnue ou imprécise par rapport à un site connu 2 (Vandeloise, 1988 : 126). Ainsi, dans Paul est à la gare, la gare s'avère apte à situer Paul sur la présomption d'un savoir commun (aussi bien sur le contexte d'énonciation que sur la réalité extralinguistique). C'est ce qu'illustre l'affinité entre la préposition à et les groupes nominaux introduits par l'article défini (Paul est à la gare) et, corrélativement, le refus de l'indétermination (*Paul est à une gare). La différence de comportement entre un marqueur configurationnel, par exemple dans, et le localisateur à est patente : Si, dans les emplois localisateurs, la connaissance partagée aide à l'identification, elle joue un rôle central dans l'interprétation de ces emplois, de nature plus notionnelle, sur la base de ce que Vandeloise appelle rituel ou routine sociale (1988 : 135, 1990 : 170), scénario habituel partagé par une communauté linguistique et culturelle.Dans les distinctions vandeloisiennes entre configuration et localisation et, plus particulièrement, entre localisation et repérage selon une routine établie, transparaît la tension entre codage, pour les prépositions colorées, par exemple dans en emploi spatial, et inférence, pour les prépositions incolores comme à (Cadiot, 1997a). En effet le repérage construit par à active des inférences sur des interactions typiques associées conventionnellement au site. Ainsi, alors que des syntagmes comme dans la cuisine, semblent privilégier une indication de lieu -certes non exclusive -du type « La litière du chat est dans la cuisine », les séquences à la cuisine semblent aptes à évoquer alternativement ou conjointement (i) des instructions interprétatives de localisation et (ii) une lecture notionnelle liée à un comportement, une activité, un état associé...