L’Inde se distingue des autres pays des Suds par l’antériorité de ses programmes en faveur de la préscolarisation, combinant à l’entrée précoce dans le processus d’éducation un accès plus équitable à un système de santé et de nutrition dans un contexte de fortes inégalités socio-économico-spatiales. À la suite des actions publiques menées dans l’État du Tamil Nadu et le territoire de Pondichéry dès 1975, l’offre préscolaire a évolué sous la pression de la population et de l’importance croissante du secteur privé. En s’appuyant sur 130 entretiens semi-directifs collectés entre 2013 et 2015, cet article a pour objectif de montrer les implications de la préscolarisation dans la vie des femmes et des fillettes. Les résultats montrent tout d’abord que la scolarité du jeune enfant résulte de choix complexes où le biais du genre et la modification du rapport de forces intrafamiliales ont toute leur importance. En effet, offrir un mode de garde gratuit et sécurisé devait favoriser l’émancipation féminine des mères par le travail à l’extérieur, la poursuite de la scolarité des filles aînées, la réduction des inégalités de genre à l’entrée à l’école des fillettes et ouvrir un espace à la voix féminine. Les nombreuses enseignantes ont joué et jouent encore pour cela un rôle important : médiatrice entre les familles et les institutions, leur statut et leur réussite professionnelle encouragent aussi la poursuite des études des filles.