Résumé La démographie historique semble avoir pris un tournant « micro » en se concentrant de plus en plus sur l’analyse des parcours de vie. Si l’on suit ses avocats, il ne s’agit de rien moins que d’un nouveau paradigme de la démographie (historique). Cet article propose une vue critique de cette affirmation, en examinant les succès en termes de recherche et en discutant les obstacles potentiels à la réussite des promesses de cette nouvelle approche. L’adoption de l’analyse des parcours de vie a déjà fourni des contributions très neuves par rapport aux sujets ignorés de la démographie historique traditionnelle (les orphelins, le service domestique dans le cycle de vie, les études comparées sur les dynamiques familiales). Des sujets comme le vieillissement, les migrations et la fécondité ont également bénéficié de la collecte et de l’analyse des données du parcours de vie. En dépit de ces avancées, le développement de cette approche peut être compromis par plusieurs facteurs : le concept lui-même, les méthodes statistiques utilisées et les pratiques de recherches dominantes ainsi que l’attraction de notre champ. Tout d’abord l’affirmation de la capacité d’organiser sa propre vie est d’application difficile dans les recherches historiques. Néanmoins, l’ignorance des motifs et des buts des individus ne devrait pas dissuader d’identifier quels étaient les plus probables dans certains lieux et certaines périodes. Ensuite, la méthode de l’« event history analysis » ne permet pas de clarifier les parcours de vie en tant que processus. Des modèles plus élaborés devraient permettre de préciser l’impact des expériences passées, des conduites alternatives, des interactions entre les processus et les contextes. Enfin, le coût d’apprentissage de la démographie historique risque de devenir trop élevé, en particulier si des techniques encore plus poussées doivent être utilisées. Des équipes interdisciplinaires pourraient résoudre cette difficulté. Par ailleurs, l’approche du parcours de la vie suppose des bases de données compliquées et très riches. Tout cela ne peut être accompli par les équipes universitaires traditionnelles et les chercheurs solitaires. Dans ce domaine, les pratiques de recherche (et d’apprentissage) doivent s’orienter vers le partage de données, la collaboration et l’exploitation de banques de données publiques. Finalement, afin d’attirer les chercheurs d’autres domaines, la recherche doit privilégier des questions à fort enjeu politique aujourd’hui comme le niveau de la fécondité (enjeu du remplacement), les migrations et l’intégration des populations étrangères.