Bien avant le tournant transnational dans les études migratoires et religieuses, les pratiques spirituelles se sont toujours diffusées du fait de la circulation des personnes et des objets, mais aussi des musiques qui accompagnent les rituels. La musique a en effet, au cours de l'histoire, joué un rôle central dans la diffusion et l'implantation locale des « religions universelles », telles que l'islam ou le christianisme. Mais elle a aussi contribué à la migration des « religions ethniques », comme les religions d'inspiration africaine dans les Amériques (candomblé, batuque et umbanda brésiliens ou vodou haïtien, entre autres). Issues des premières phases de globalisation culturelle, entraînées par la colonisation, ces religions sont le produit des rencontres entre différentes cultures, dans un univers-l'univers afro-américain-qui, depuis le début, s'est structuré selon une logique « transnationale », et pas simplement par le déplacement forcé des esclaves africains (Capone 2004 : 14-16). Si les interprétations classiques opposent les religions « universelles » à vocation transnationale aux religions du lignage ou « ethniques », dont l'ancrage territorial serait primordial, nous sommes aujourd'hui confrontés à des flux transnationaux qui font des religions « ethniques » des ressources identitaires disponibles au-delà des frontières du groupe d'origine, modifiant en profondeur les paysages religieux des pays d'accueil (Bava & Capone 2010). La « nature transnationale » de l'Eglise catholique, des Eglises évangéliques ou pentecôtistes, et de bien d'autres pratiques religieuses aujourd'hui, aide ainsi les immigrés à retrouver une continuité entre différents territoires, en renouant dans la société d'accueil avec des rituels familiers, des organisations et des réseaux religieux déjà connus dans leur terre d'origine. La musique joue, en cela, un rôle fondamental, permettant aussi d'activer les affects dans la « mise en scène » des appartenances religieuses (Salzbrunn 2017). Approches transnationales des pratiques religieuses Dès le début des années 1990, l'approche transnationale des phénomènes religieux a apporté une nouvelle compréhension des religions « en migration ». Dans un autre travail (Capone 2010), nous avons montré comment, dans le domaine des études des migrations internationales, se sont développés les cadres théoriques qui ont permis le passage d'une approche assimilationniste des flux migratoires à une approche mettant en lumière les processus transnationaux. L'approche transnationale a révélé les liens entre « ici et là-bas », en délinéant ce que Alain Tarrius (2000 : 124) a appelé un « territoire