La relation linéaire sans seuil (LNT) et l'évolution du système de radioprotection Dans ce numéro du journal nous vous invitons à réfléchir au futur de la radioprotection, avec la publication d'un article sur l'utilisation de la relation linéaire sans seuil (la LNT) comme base du système de radioprotection actuel (Laurier et al., 2023). La controverse autour de la LNT n'est pas nouvelle et cet article a le mérite, entre autres, de rappeler l'histoire de la genèse et de l'utilisation de la LNT et de confirmer que « les connaissances scientifiques actuellement disponibles ne remettent pas en cause l'utilisation du modèle LNT pour l'évaluation des risques de cancers radio-induits en appui au système de radioprotection ». Cet article arrive dans le contexte de la révision des recommandations de la CIPR, qui a fait l'objet de plusieurs publications récentes (Clement et al., 2022 ; Laurier et al., 2021 ;Rühm et al., 2023), et qui interroge notre communauté de la radioprotection.Quelles pourraient être les évolutions du système actuel de radioprotection ? La LNT peut être considérée comme le résultat de l'agrégation de nombreuses études épidémiologiques de situations très diverses tant dans les expositions (rayonnements à faible ou fort transfert linéique d'énergie, débits de dose variables, expositions externes et/ou internes, voire expositions complexes [Lestaevel et al., 2023]), que dans les caractéristiques des personnes exposées dans toute la diversité de la population humaine (âge, sexe, radiosensibilité individuelle, ethnie, etc.), ou encore des situations d'expositions : travailleurs (Njiki et al., 2023), patients, population en situation normale ou post-accidentelle, etc.Si la base scientifique de la relation linéaire entre l'exposition aux rayonnements ionisants et l'induction d'un cancer est solide dans la gamme d'expositions supérieures à 50 mSv, c'est son extrapolation aux faibles doses sous la forme d'une relation linéaire sans seuil qui fait débat. Dans quelles directions faudra-t-il faire évoluer le système de radioprotection ? Une possibilité est la prise en compte de situations d'expositions et de profils de personnes exposées pour lesquelles l'utilisation d'un tel résultat agrégé présente des difficultés. Par exemple, une meilleure prise en compte de la situation de petits groupes homogènes de personnes, voire individuellement, par opposition à l'approche populationnelle actuelle, peut être une piste de réflexion. Ou encore l'élaboration d'une stratification différente du risque pour les hommes et les femmes, en particulier dans le domaine médical, du fait de la démonstration épidémiologique d'un risque différent pour le cancer du sein ou de la thyroïde, est également une piste à envisager. Cependant, avant de proposer une telle évolution du système de radioprotection, d'autres questions scientifiques, mais surtout éthiques et déontologiques, devront être résolues.En attendant cette révision, la LNT et les trois grands principes qui l'accompagnent comme modalités fructueuses de gestion des expositions...