“…Outre les instruments standards de la politique environnementale que sont les subventions, les taxes, la règlementation ou la certification, d'autres leviers tels que celui de l'auto-organisation des acteurs à l'échelle territoriale sont susceptibles d'être activés pour favoriser la transition vers une diminution de l'utilisation des pesticides� Contrairement à l'action publique qui repose sur une coordination induite et administrée par l'État, l'action collective trouve son origine dans les filières ou dans les territoires et n'est généralement pas impulsée par l'État� Le plus souvent, les acteurs qui initient des dynamiques collectives visent le développement de systèmes de culture alternatifs ou agroécologiques (Ploeg et al, 2012)� Même si ces solutions doivent encore être développées (Petit et al, 2019), l'action collective ascendante (dite « bottom-up ») et la coordination territoriale représentent une voie intéressante pour la sortie des pesticides� L'intérêt de l'action collective « bottom-up » pour la sortie des pesticides : l'exemple des variétés résistantes Le cas récent du développement des variétés résistantes aux maladies en France est un exemple emblématique (Hannachi et al, 2021)� Si l'utilisation de variétés résistantes aux bioagresseurs constitue une solution efficace pour réduire l'usage de pesticides sans réduire la rentabilité de la culture (Loyce et al, 2012), l'utilisation massive d'une même variété résistante dans un territoire engendre l'apparition de contournements de résistance (Rouxel et al, 2003), entraînant donc parfois une augmentation de l'utilisation de pesticides� Pour éviter cela, il peut être efficace de coordonner la diversification spatiale des variétés cultivées à l'échelle des territoires (Fitt et al, 2006)� Encore jamais envisagée pour gérer la problématique des pesticides, une telle coordination est déjà mise en oeuvre en France afin de limiter la pollinisation croisée entre colza non-érucique, produisant des huiles à usage alimentaire, et colza érucique, réservé aux usages industriels et toxique si ingéré (lubrifiants, détergents, agents plastifiants, etc�)� Les deux types de colza étant interféconds, pour éviter de récolter de l'érucique sur les champs semés avec du non-érucique et inversement, un groupement d'intérêt économique (GIE Pollen), composé des firmes semencières, des industriels et des interprofessions, a été créé afin de gérer l'allocation des variétés de colza à l'échelle du territoire� Le dispositif a permis en 2015 de gérer 20 000 hectares et 300 agriculteurs via des contrats et des primes qui infléchissent les choix des variétés semées et qui instaurent la mise en place de distances d'isolement entre les cultures et de rotations des variétés dans le temps� Dans le cahier des charges, les seuils de qualité et les primes renvoient à la notion de « responsabilité collective » des agriculteurs, ce qui suggère que le dispositif en place est plus qu'une somme d'actions individuelles, mais mobilise des interdépendances et ressources collectives (Hannachi et al, 2021)� Si ces acteurs disposent déjà de tels dispositifs collectifs, pourquoi ne les envisagentils pas pour une gestion territoriale des variétés résistantes et pour la sortie des pesticides ? La première raison est l'absence d'incitations et d'intérêts suffisamment forts pour préserver la durabilité des variétés résistantes et établir une coordination à l'échelle territoire� Dans le cas du colza, les acteurs, en se coordonnant, parviennent à créer collectivement des plus-values, réparties...…”