Un aspect important de l’étude des professions aborde la possibilité d’un conflit entre les professionnels et les organisations qui les emploient. (Sorensen et Sorensen 1974 ; Davies 1983 ; Freidson 1986 ; Wallace 1995a). Ce fait peut survenir lorsque les valeurs, les buts et les attentes du professionnel sont incompatibles avec ceux de l’organisation où il travaille, de manière plus particulière lorsque les professionnels sont à l’emploi d’organisations fortement bureaucratisées. Face à une telle incompatibilité, le professionnel ne se sent pas préparé et ce fait peut déboucher sur une expérience de travail comportant un stress (Kahn et Quinn 1970 ; Eaton 1980 ; Cherniss 1980 ; Stevens et O’Neill 1983 ; Leiter 1991).Au cours de cette étude, nous avons fait appel au modèle du conflit profession-organisation en l’appliquant à l’analyse du stress en emploi dans le cas des travailleurs impliqués dans une relation d’aide. Nous l’avons fait en posant la question suivante : comment les conditions de travail peuvent-elles influencer le stress en emploi chez les travailleurs des services sociaux ? Dans le cas de ce type de travail, on entend souvent dire que les lieux de travail reflètent un mélange de caractéristiques du professionnalisme et de l’organisation bureaucratique, plutôt que la présence de l’un ou l’autre seulement de ces éléments (Cherniss 1980 ; Hasenfeld 1983 ; Harris 1998). Par exemple, le système bureaucratique de gestion rationnelle peut accompagner le professionnel dont l’expertise lui permet un contrôle sur la nature du service fourni (Harris 1998).Nous nous attendions à ce que les travailleurs des services sociaux fassent état de quelques aspects de leur travail qui refléteraient plus les idéaux et les normes de pratique du professionnel et d’autres aspects qui montreraient plus de traits propres à la bureaucratie. Dans de telles conditions, les attentes des professionnels originant de leur sens du professionnalisme peuvent s’opposer aux réalités du travail en milieu bureaucratique, créant ainsi une expérience de travail stressante. Nous sommes alors en mesure de prédire que les travailleurs de la relation d’aide éprouveront un stress d’autant plus élevé que leurs attentes ne seront pas rencontrées (hypothèse 1). Nous faisons également l’hypothèse que les conditions de travail qui sont plus compatibles avec les idéaux de la profession rencontreront les attentes et ainsi réduiront la possibilité d’un stress au travail (hypothèse 2). Nous considérons de plus que des conditions plus bureaucratiques ne réussiront pas à satisfaire aux attentes des professionnels et contribueront alors à une augmentation du stress (hypothèse 3).Nous vérifions nos hypothèses en utilisant les techniques d’analyse linéaire OLS avec un échantillon de 514 travailleurs de la relation d’aide qui rendent des services aux personnes éprouvant des troubles de développement. Pour valider la première hypothèse, nous évaluons les effets des attentes ignorées sur le stress en emploi. Pour la deuxième hypothèse, nous ajoutons quatre dimen...