Cet article rapporte une partie des résultats d'une étude exploratoire sur le
processus de réadaptation et de retour au travail en contexte de relations interculturelles.
Cette étude avait deux objectifs : identifier les stratégies mises de l'avant par les
différents acteurs pour faciliter le processus de réadaptation et de retour au travail des
travailleurs immigrants et décrire les contraintes, les obstacles et les aides au processus
selon la perspective des différents acteurs. Des entrevues semi-dirigées ont ainsi été
menées auprès de 47 répondants : cliniciens, agents d'indemnisation et conseillers en
réadaptation de la CNESST, employeurs et travailleurs immigrants victimes d'une lésion
reconnue et indemnisée. Au-delà des barrières linguistiques et culturelles, deux facteurs
nuisent au retour en emploi des travailleurs immigrants : d'une part, la précarité du lien
d'emploi freine leurs efforts et mine leur volonté de consolider leur état de santé et,
d'autre part, la menace ou la perte réelle du lien d'emploi amène une rupture symbolique
dans leur processus d'intégration. Cette rupture est importante pour ceux qui sont
surqualifiés pour leur poste, surtout si leur emploi est un passage obligé pour acquérir une
expérience de travail au Canada et viser ensuite un emploi à la hauteur de leurs
compétences. Le processus de réadaptation peut soit se transformer en un « parcours
déshonorant », soit fournir une occasion d'améliorer sa situation sur un marché du travail
discriminant. Adapter les programmes à la réalité de ces travailleurs immigrants est
possible, mais pose un dilemme moral et éthique : comment motiver les travailleurs à se
rétablir tout en explorant un autre créneau d'emploi si leur lien d'emploi risque d'être
rompu, alors que les règles relatives au droit de retour au travail prévoient la
réintégration de l'emploi prélésionnel ou tout autre poste jugé équivalent