Les petits lieux de la poésie lyrique — et en particulier le sonnet — offraient un espace dans lequel les femmes du XVIIe siècle se sont retrouvées. Mais ensuite, qu’est-il advenu en Angleterre de l’immense potentiel du sonnet féminin, en particulier après le premier quart du XVIe siècle ? Les chercheurs ont mis l’emphase sur les changements formels et de genre (essor de l’épigramme, l’hégémonie du couplet), et ont affirmé que le sonnet a décliné pour des raisons culturelles et artistiques (guerre civile, ombres de Shakespeare et de Milton). Toutefois, la poésie des XVIIe et XVIIIe siècles présente un défi aux récits de l’histoire de la littérature et à la présomption que les femmes ont perçu le pétrarquisme comme un territoire masculin. Au contraire, cette époque est celle où les femmes ont adapté les forms et les résonances du sonnet aux nouvelles réalités sociopolitiques, et avancé des revendications autoriales par la même occasion. Plusieurs de ces sonnets ont été mis de côté en raison de leur caractère paratextuel, ou viennent à peine d’être découverts grâce à des études de manuscrits récentes. Ces sonnets mettent en lumière néanmoins la conscience artistique de ces auteurs féminines, et comment le récit d’histoire peut obscurcir la poésie que l’on considère. Il est donc temps de revoir nos présomptions au sujet du sonnet anglais et de remettre en question les constructions du romantisme et de la dominance shakespearienne, afin de redécouvrir l’héritage du sonnet du XVIIe siècle.