L'itinérance est étudiée souvent au moyen de méthodes quantitatives et qualitatives (questionnaires, enquêtes, entretiens). Faisant un pas de côté, nous nous intéressons à un récit de voyage, le Cantique de l'Infinistère de François Cassingena-Trévedy 1 . Interrogeant les rapports entre géographie et littérature (Rosemberg, 2016, De la Soudière, 2019, notre démarche questionne la « spatialité » qui se lit dans ce récit, qui témoigne à la fois d'une singulière expérience de l'espace montagnard et d'une spatialité de l'existence dévoilée par l'itinérance ; il offre, quelle que soit le niveau de lecture, un bel exemple de géographicité. Cette étude s'inscrit donc dans une approche géographique de la littérature de voyage, qui examine les référents spatiaux du texte, analyse les codes d'écriture de l'espace et la nature du sens qui est attribué à l'espace dans le récit. L'itinérance est une modalité de déplacement qui cherche à vivre autrement l'espace et veut par cette expérience donner un sens personnel aux lieux, à travers le contact avec la nature (Berthelot, 2008). Cette pratique récréative est particulièrement propice à une expérience spatiale fondée sur une relation à l'espace établie par le prisme d'émotions qui restituent ainsi une véritable géographie du sensible. Cette approche sensorielle s'inscrit dans une perspective de recherche en plein essor, un « tournant émotionnel » où les émotions constituent une véritable dimension de l'espace et du paysage (Davidson et al., 2007). Ce Cantique rapporte six jours de randonnée pédestre et solitaire dans les Monts d'Auvergne de Fr. Cassingena, moine à l'abbaye bénédictine de Ligugé (Vienne).Cette itinérance est originale, tant l'Auvergne, dépourvue du grandiose et du spectaculaire des hauts lieux, n'est pas l'espace favori des grandes randonnées. Pour autant son cadre n'en confère pas moins à l'itinérance de notre solitaire une tonalité bien singulière. Au sein du quadrilatère que forme le Cézallier, le retirement, l'accès à un ailleurs, ne procèdent pas d'un éloignement et de l'ascension, mais se nourrissent de cette « altitude horizontale » (p. 83) qui s'impose comme sa ressource première On