Lorsque Hamlet interroge le fossoyeur sur les raisons de la folie du prince, « Upon what ground? », celui-ci répond littéralement, « Why, here in Denmark » (5.1.136-37). La question d’Hamlet nous invite à une réflexion spatiale sur la pièce. À partir d’une analyse géographique et écologique des mobilités, des pratiques spatiales et de la matérialité de la terre, nous proposons de définir Hamlet comme une « pièce de voyage ». Bien que l’intrigue ne soit pas à proprement parler organisée autour d’un voyage, les pérégrinations des personnages attirent l’attention sur un contexte national et géopolitique (« country matters », 3.2.103, où il est question d’affaires d’État autant que d’ébats). Hamlet, étudiant mélancolique et renfermé, est aussi un voyageur contrarié. Tandis que la pièce transporte ses spectateurs dans un Danemark qui n’est pas qu’un simple décor, elle développe une double perspective et s’appuie sur un imaginaire cartographique. Sa poésie élémentaire, axée sur la terre et l’eau, souligne également la topographie insulaire du Danemark. Considérer Hamlet comme un exemple de pièce de voyage, c’est reconnaître qu’elle prend en compte, comme nombre de pièces de la période, l’intérêt du public de l’époque pour les voyages et l’ailleurs ; mais c’est aussi montrer comment de telles préoccupations géographiques suscitent une réflexion sur ce qui nous attache à la terre et sur la précarité de cet attachement.