Cette étude a été réalisée dans le cadre d'un projet multidisciplinaire sur la gestion et la protection de l'habitat des salmonidés et sur l'évaluation des perturbations que subissent les habitats de ces poissons dans les eaux courantes suite aux coupes forestières et à la construction de routes. Afin d'identifier les voies d'écoulement responsables de la qualité des eaux de surface d'un petit bassin versant forestier, une étude approfondie a été entreprise sur l'évolution de la qualité de l'eau de pluie lors de son passage à travers la phytocénose et la couverture pédologique jusqu'au ruisseau. La signature chimique des compartiments du bassin versant servira d'intrant quant à l'application et l'analyse du modèle EMMA (end-members mixing analysis).
La signature chimique de l'eau du ruisseau s'explique par un graphe x-y (graphe de mélange) sur lequel la composition chimique des compartiments et celle du ruisseau sont reportées. Si trois compartiments circonscrivent la signature chimique du cours d'eau, alors on peut émettre l'hypothèse que ces compartiments se mélangent de façon conservatrice pour donner la qualité des eaux de surface du bassin versant. Plusieurs traceurs (conductivité électrique, SO42-, Cl-, NO3-, K+, Alt et Fet) naturels n'ont pas servi à l'identification des compartiments parce que le modèle ne tient pas compte de certaines conditions, tels l'activité biologique, l'état hydrique des profils, etc. Seuls le pH, Na+, Ca2+, Mg2+ et SiO2 se sont avérés des traceurs utiles.
La nappe phréatique a été incluse par défaut dans le modèle puisqu'il était connu qu'elle assurait la base de l'écoulement du cours d'eau en tout temps de l'année. Les sols de la plaine d'inondation semblent également prendre part à la qualité de l'eau du ruisseau, particulièrement les horizons B podzoliques, lesquels sont saturés d'eau pendant toute la période sans gel. C'est donc dire que l'écoulement de l'eau souterraine et l'écoulement hypodermique au niveau des horizons B de la plaine d'inondation sont les voies d'écoulement qui expliquent le mieux la qualité des eaux de surface du bassin versant.
Toutefois, la séparation de l'hydrogramme par l'équation du bilan massique a montré qu'un modèle à trois réservoirs (nappe phréatique, horizons B des versants sud et nord) ne peut pas donner des résultats satisfaisants quant à la simulation de la charge chimique des eaux de surface. Le modèle élimine systématiquement trop de compartiments pouvant s'avérer explicatifs de la qualité de l'eau du ruisseau. Un modèle mécaniste développé à partir des variations du niveau de la nappe phréatique, de la conductivité hydraulique et de la composition chimique des solutions de sol permettrait de reproduire plus rigoureusement l'hydrogramme du ruisseau. Le modèle EMMA demeure tout de même un bon outil pour réfuter ou confirmer une hypothèse de recherche car il met clairement en relation la composition chimique des compartiments à celle du ruisseau et enlève parfois tout doute quant à l'action d'un processus susceptible d'alimenter le cours d'eau.