> La prééclampsie est une maladie majeure, fréquente et potentiellement sévère de la grossesse, caractérisée par une hypertension gravidique et une protéinurie. Dans cette revue, nous rapportons les progrès récents réalisés dans la compréhension de la pathologie et évoquons ses impacts à long terme sur la santé vasculaire maternelle. Nous décrivons ensuite les bases génétiques, épigénétiques et immunologiques de la prééclampsie. Nous détaillons en particulier les liens entre pathologie et stress oxydatif au niveau des cellules placentaires (trophoblastes) et endothéliales. Nous mentionnons les modèles d'étude cellulaires et animaux couramment utilisés pour décrypter les voies physiopathologiques modifiées dans une grossesse prééclamptique par rapport à une grossesse normale. Enfin, nous évoquons les possibilités thérapeutiques existantes et à venir pour améliorer le suivi des grossesses, la santé des patientes et celles des enfants nés de grossesses prééclamptiques. < La prééclampsie (PE), longtemps considérée comme une maladie mystérieuse à l'étiologie inconnue, naguère dénommée toxémie gravidique, se caractérise par une hypertension artérielle et une protéinurie se déclenchant au plus tôt à la mi-gestation [1] (➜). La maladie induit des répercussions cliniques parfois gravissimes, incluant le syndrome HELLP (hemolysis, elevated liver enzymes, low platelet), pouvant se compliquer d'une coagulation intravasculaire disséminée, ou par l'éclampsie, une crise convulsive géné-ralisée décrite dès l'antiquité, avec un premier cas peut-être identifié il y a 28 000 ans [2]. Au cours des 15 dernières années, des progrès considérables ont été réalisés dans la compréhension de l'étiologie de la PE. La pathologie est considérée comporter deux phases : l'une asymptomatique et très précoce, en relation avec une placentation défectueuse ; l'autre caractérisée par l'apparition des symptômes chez la mère.De la dysfonction placentaire à l'attaque du système vasculaire maternel : des conséquences maternelles et foetales parfois dramatiques La première phase de la PE se caractérise par un défaut d'invasion des trophoblastes qui colonisent les tissus utérins maternels, induisant des anomalies histologiques locales. La deuxième phase correspond au syndrome maternel affectant l'endothélium, probablement par la libération, par le placenta, de molécules anti-angiogéniques dans la circulation maternelle comme sFLT1 (soluble fms-like tyrosine kinase-1) et sENG (soluble endoglin) (Figure 1). sFLT1 (ou sVEGFR1), la forme soluble du récepteur du VEGF (vascular endothelial growth factor) générée par épissage alternatif, inhibe la formation des tubes endothéliaux et bloque les effets vasodilatateurs de ses ligands (VEGF et de PlGF). Similairement, la sENG (l'endogline soluble) joue un rôle anti-angiogénique en inhibant la cascade du TGF (transforming growth factor b), cruciale pour l'angiogenèse.
La prééclampsieUne obsession angoissée des services de gynéco-obstétrique dans les pays industrialisés Une jeune mère consulte pour une grossesse « ...