Les industries musicales peuvent se percevoir comme un secteur à part, plus méritocratique que le reste de la société, et au sein duquel le travail serait par essence épanouissant. Elles sont pourtant profondément inégalitaires et la précarité s’érige en norme pour la majorité des travailleur·ses. Mais cette précarité s’exprime-t-elle de la même manière selon des caractéristiques sociales comme le genre, la classe et l’ethnicité ? En s’appuyant sur une enquête par observation participante et entretiens parmi une population de musiciennes indépendantes « DIY » (do it yourself) évoluant hors des formes de reconnaissance institutionnelle ou du marché dans certains quartiers « créatifs » des villes de Brooklyn, San Francisco, Oakland, Portland, Stockholm et Paris, cet article vise à montrer (1) comment certaines des difficultés rencontrées par les enquêtées diffèrent selon les caractéristiques sociales et (2) comment ces musiciennes font preuve de réflexivité et d’adaptation pour faire carrière. Conscientes des hiérarchies induites par les caractéristiques sociales, les enquêtées négocient leur place au prix d’un important travail émotionnel afin de se conformer aux injonctions sociales et dans l’espoir de faire carrière dans un secteur où, paradoxalement, l’« individualité » est socialement valorisée.