Maîtriser la généralisation des tests génétiques
Éditorial> Le paysage des tests génétiques est en évolution rapide. Des progrès significatifs sont enregistrés dans l'interprétation de notre génome, dans le passage du génotype au phénotype, de la séquence à la fonction : nous sommes encore loin de lire couramment le « grand livre de la vie », mais nous nous en rapprochons progressivement. En parallèle, la technologie avance de manière fulgurante, comme en témoignent l'explosion du séquençage d'ADN de nouvelle génération et le millier d'ADN humains déjà intégralement séquencés. Les possibilités techniques sont de plus en plus étendues et le coût chute de manière exponentielle pour beaucoup d'analyses : il sera bientôt possible de lire un ADN humain pour le prix d'un scanner thoracique, ou de tester un millier de gènes chez un nouveau-né ou un futur parent pour quelques centaines d'euros. Il ne faut donc pas se voiler la face : l'accès aux tests génétiques va se généraliser, et, qu'on le veuille ou non, beaucoup seront accessibles à tout un chacun sans encadrement médical. Une telle diffusion pose à l'évidence de multiples problèmes, ou plutôt exacerbe des difficultés déjà repérées, et dont traitent deux articles de ce numéro de médecine/sciences [1,2]. Mauvaise compréhension et, souvent, surinterprétation des résultats, perçus comme l'annonce d'un destin, alors que, au mieux, ils évaluent une probabilité statistique ; blocages dans la mise en oeuvre de certains tests réellement utiles par l'exclusivité conférée à certaines firmes via des brevets sur l'ADN ; risques d'atteinte à l'intimité génétique de chacun de nous, à notre droit à ne pas savoir, et à ne pas faire savoir à d'autres ce qu'il en est de nos éventuelles vulnérabilités génétiques. Face à cette situation, qui ne va pas s'améliorer toute seule, quels peuvent être nos moyens d'action, en tant que scientifiques et que citoyens ? Il est tout d'abord essentiel de faire comprendre qu'il y a test génétique et test génétique. Ne l'oublions pas, beaucoup de nos concitoyens ne perçoivent guère la différence entre une empreinte génétique ou un test de paternité d'une part, un profil de Snip vendu par Navigenics ou 23andMe, d'autre part, ou enfin une analyse révélant la présence de mutations au sein d'un gène comme BRCA1. Dans le premier cas pourtant, il s'agit d'un pur procédé d'identification aboutissant à un résultat dichotomique, dont la validité est absolue s'il s'agit d'exclure (« cette trace ADN ne provient pas de telle personne, cet homme ne peut être le père de cet enfant ») et quasi totale pour l'inclusion, à condition que des conditions techniques et statistiques soient remplies. Dans le deuxième, c'est, en l'état actuel, pure « génétique récréative » qui, compte tenu du problème de l'« hérédité perdue » [3], n'apporte aucune information diagnostique ou prospective fiable, quoi que suggèrent les publicités de leurs promoteurs [4]. Et dans le troisième, il s'agit cette fois d'un véritable diagnostic qui peut indiquer la probabilité élevée (et parfois la...