Éditorial> Ceci est un éditorial conceptuel. J'espère que le choix nécessairement biaisé des concepts que j'y développe est justifié. Je n'y fais pas mention de telle ou telle protéine dont l'activité a été corrélée au phénomène de vieillissement, je me demande seulement pourquoi les protéines cessent de fonctionner correctement au cours du vieillissement.
Comprendre la biologie de la loi de GompertzLe vieillissement est la perte progressive des fonctions biologiques qui aboutit à la mort de l'organisme. Il est défini par deux critères qui coïncident : (1) la probabilité de la mort augmente exponentiellement avec l'âge de l'organisme. Cette définition statistique s'applique (à de très rares exceptions près) à toutes les espèces, même unicellulaires, et reflète la progression géométrique du processus du vieillissement qui est associé à l'émergence des maladies mortelles (Loi de Gompertz 1 ). Ainsi, chez l'homme, le risque de mourir double tous les 8 ans. (2) Les changements physiologiques, fonctionnels et morphologiques liés à l'âge se manifestent chez tous les individus, mais les maladies et la mort n'affectent, à chaque âge, qu'une fraction de la population. Ce n'est pas parce que le vieillissement est encore mal compris que sa cause (ou ses causes) est (sont), elle(s), forcément complexe(s), ce que j'explique plus loin [2]. La diversité des conséquences qu'infligent des dégâts à un système -par exemple l'ensemble des maladies humaines -révèle la complexité de ce système (par exemple l'organisme humain), mais il n'en reste pas moins vrai que la cause de ces dégâts peut, elle, être très simple. Ainsi, l'incidence des maladies mortelles augmente avec l'âge, avec des cinétiques semblables, et pourtant ces maladies empruntent des mécanismes très
La chimie de l'usure et les mécanismes de la résilienceLes réponses que je donne à ces deux questions constituent l'hypothèse de travail de mon projet de recherche actuel : (1) la cause chimique fondamentale du vieillissement est la corrosion (oxydation) des protéines qui provoque l'inactivation, ou la perturbation, de leurs fonctions biologiques, et (2) la population humaine n'étant pas « monoclonale », le polymorphisme existant des protéines se traduit en polymorphisme de leur susceptibilité aux dégâts oxydatifs, d'où la diversité des causes des maladies et de la mort. Toutes les protéines ne sont pas égales face aux altérations provoquées par les espèces réactives d'oxygène (ROS) [3,4]. Dans la population humaine, les protéines vitales les plus susceptibles à l'oxydation représenteraient différents « maillons faibles », dont l'atteinte se manifeste au fur et à mesure que l'individu avance en âge. Chaque cellule vivante doit sa robustesse biologique et sa longévité aux processus intracellulaires d'autorépa-ration et de renouvellement, ce que désigne le terme turnover. Il peut s'agir de la dégradation de la partie endommagée de la molécule et son remplacement par des éléments constitutifs nouveaux (par exemple répa-ration de l'ADN), ou bien de la désintégration complète d...