PréliminairesCet article traite du discours direct entre guillemets sans verbe introducteur. On partira d'un exemple emprunté à un conte de Natsume Sôseki 1 . (Dans cet article, les caractères en gras sont de notre fait.)(1) « C'est là, c'est là ! juste au pied de ce cryptomère ! » dit la voix qui résonna clairement à travers le rideau de la pluie. Je m'arrêtai malgré moi, et me retrouvai dans les profondeurs de la forêt. À quelques pas, je distinguai une forme noire : c'était sûrement l'arbre indiqué par le gamin.« Père, c'était bien au pied de ce cryptomère, n'est-ce pas ? » Je ne pus m'empêcher d'acquiescer. « C'était la cinquième année de l'ère de Bunka, l'année du Dragon, n'est-ce pas ? » Cela se passait effectivement en ce temps-là. , sont introduites sans verbe d'énonciation. Ce sont ces formes qui nous intéresseront, à partir de textes littéraires traduits du japonais. Le choix n'est pas arbitraire. Notre réflexion prend son départ dans les écarts observés en matière de discours rapporté entre certaines traductions françaises et les textes originaux. On pourrait attribuer ces différences à des variantes purement stylistiques, à un choix opéré par les traducteurs si nous n'avions rencontré une pluralité d'exemples dans des oeuvres écrites par des auteurs traduits par différents traducteurs de sorte que la réécriture paraît plus ou moins systématique. Elle pourrait expliciter les possibilités de textualisation en français.Dans ce qui suit, nous verrons d'abord dans la section 2 quelques travaux parmi les plus récents et nous présenterons une conception continuiste du discours rapporté. Dans la section 3, nous expliquerons les caractéristiques des textes français traduits du japonais. Dans la section 4, nous observerons d'abord dans quatre textes traduits du japonais des caractéristiques du discours rapporté du français avant de mettre en lumière les conditions qui favorisent, en français, l'apparition d'une forme de discours direct entre guillemets sans verbe introducteur. Ce travail s'inscrit dans la perspective ouverte par Takagaki (2011) en établissant les liens des formes de représentation textuelles et de l'instance d'énonciation conçue dans sa définition anthropologique, culturelle.
Le continuum dans le discours rapportéLes études sur le discours rapporté en distinguent traditionnellement trois formes : le discours direct, le discours indirect et le discours indirect libre. À ces trois formes, qui ont été abondamment analysées par les grammairiens, s'est ajoutée au début du siècle dernier une quatrième forme : le discours direct libre qui n'a pas de marqueurs explicites tels qu'un verbe introducteur et des guillemets. La plupart des études classiques ont divisé le discours rapporté en plusieurs catégories aux propriétés bien distinctes. Or les travaux les plus récents ont rapporté l'existence de plusieurs formes mixtes, telles que le discours indirect mis entre guillemets (Authier 1993) et le discours direct avec que (Bruca Cuevas 1996). Ces formes hybrides ne se laissent pas facilement ramener à la ...