Psychopathologie de la méconnaissance des troubles cognitifs et comportementaux des traumatisés crâniens sévères

Atteinte de la pensée et psychopathologie

“…Dans une étude que j'ai mené avec Azouvi, De Collasson, Dumond et al, nous avons montré que derrière la méconnaissance du handicap cognitif et comportemental, il y avait des éléments plurifactoriels et que plusieurs phénomènes psychiques co-existaient. Certains sont de l'ordre de la méconnaissance, d'autres sont confondus à tort avec l'anosognosie et sont liés à l'atteinte de l'identité et aux tentatives de lutte contre celle-ci, à la non-compliance, aux difficultés du travail de deuil, à la structure psychique des patients [23].…”

“…En ce qui concerne ce qui est du côté de la méconnaissance du handicap cognitif et comportemental, nous avons montré qu'il existe chez les patients cérébrolésés une difficulté à intégrer l'expérience de la maladie dans leur espace psychique et existentiel [23]. Pendant de long mois après la sortie de réanimation ou après l'apparition d'un déficit neurologique et cognitif, le sujet ne reconnaît pas cette expérience comme la sienne.…”

“…De nombreux patients s'appuient sur des éléments extérieurs à eux-mêmes, des « prothèses de représentation » pour tenter de se représenter l'accident et ses conséquences, faute de « représentation interne ». Ces éléments extérieurs peuvent être la vue des parties du corps handicapées, d'où une prise de conscience souvent plus rapide des troubles moteurs, ou le discours des autres sur l'accident et ses suites [22,23].…”

Behaviour disorders in brain-injured patients. Psychiatric and psychopathologic approach

“…Prigatano [8] a souligné que la méconnaissance du handicap cognitif et comportemental n'était pas seulement une fonction cognitive et qu'elle était aussi liée à des stratégies de « coping » du patient qu'il fallait respecter. Dans une étude récente [9,3], nous avons montré que la méconnaissance des troubles cognitifs et comportementaux recouvre des processus complexes dont ni le déni ni les aspects lésionnels ne peuvent rendre compte de façon univoque. Les patients avec une méconnaissance de leur handicap cognitif et comportemental n'auraient pas de représentation éprouvée de leur handicap, d'où la difficulté à intégrer la maladie dans leur espace psychique.…”

“…Les difficultés du travail de deuil chez les patients cérébrolésés renvoient, par ailleurs, à deux éléments distincts [9,3] : à cause de la difficulté à intégrer l'expérience de la maladie dans son espace psychique et faute de représentation éprouvée de l'accident et de ses conséquences, le sujet n'appréhende pas consciemment et inconsciemment ce qu'il a perdu. Il ne peut donc pas effectuer un travail psychique de symbolisation autour de cette perte ; ou bien le sujet sait qu'il a perdu quelque chose, mais il ne peut retirer sa libido de cette partie de lui perdue, d'où, dit Freud, une rébellion si intense qu'il se détourne de la réalité et cherche à maintenir ce qui a été perdu [10].…”