“…Pathologisant chaque comportement chez les populations et les individus observés, à travers le supposé lien entre pensée primitive ou archaïque et pathologie mentale, le psychiatre rejoue la normalisation d'un fonctionnement in se pathologique qui caractériserait l'African Mind. Infantile, immobile, incapable d'avancement, de réflexion, d'affect et de logique, elle n'appelle qu'à être guidée sur un chemin qui vise la « civilisation » mais qui s'arrête bien avant, pour que le colonisateur n'ait pas à craindre la révolte et le renversement, déjà incarnés par des formes de mimétisme, et pour que le colonisé ne tombe pas dans la « psychose de civilisation »87 , où il serait en équilibre instable, pathogénique finalement, entre une forme de vie et de pensée archaïque qu'il chercherait à abandonner et une moderne à laquelle il aspirerait.La psychiatrie telle qu'elle s'est déployée dans les colonies italiennes, dont j'ai essayé de retracer les contours et les contenus, les appellations mais aussi certaines théories et pratiques, se présente comme un ensemble en quête de cohérence. Teintée de curiosité ethnographique, elle naît avec l'ambition d'accompagner la mise en place des services civils dans la nouvelle colonie libyenne, mais se heurte à un rapide désintérêt qui se traduit en un manque d'investissements de la part des autorités centrales.…”