La chute des régimes communistes en Europe médiane en 1989 a eu des effets retentissants sur les conceptions et les usages du patrimoine. En effet, dans l’immédiat postsocialisme, l’attention s’est d’abord portée sur les symboles les plus visibles de l’ordre politique déchu voués à la destruction, tandis que les héritages antérieurs à 1945 ont été repatrimonialisés. Mais les héritages matériels de la période communiste visibles dans l’espace urbain sont loin de se résumer aux monuments et aux lieux de pouvoir : ils sont présents également dans les odonymes, des bâtiments utilitaires (usines, magasins, édifices culturels, etc.) ou résidentiels, construits entre 1945 et 1990, qui constituent des éléments de l’environnement urbain quotidien. Indépendamment de leur portée symbolique, nous nous intéressons dans cet article à ces héritages ordinaires du passé socialiste. La question des temporalités de leur patrimonialisation se pose de manière singulière : immédiatement détruits pour certains, le temps laisse place à la banalisation, voire à l’oubli pour d’autres, ou à l’inverse ouvre la voie à une possible patrimonialisation. Les exemples sont choisis dans deux villes roumaines (Iași et Timișoara) et à Varsovie en Pologne.