Que représente le concept d’intégrale définie chez les étudiants à l’entrée à l’université?

Abstract

En Tunisie, les élèves rencontrent le concept d’intégrale définie pour la première fois à la fin du secondaire. Il est introduit à partir de l’aire sous la courbe, défini par le Théorème Fondamental de l’Analyse et appelé, dans l’activité mathématique des élèves, sous forme de primitive. Un retour sur le manuel scolaire permet de remarquer que les méthodes d’approximations sont quasi absentes sauf peut-être dans quelques exercices de fin du chapitre. Ces choix institutionnels influencent le travail des élèves et dirigent l’activité mathématique qu’ils entreprennent vers des choix spécifiques [1]. Par ailleurs, ils pourraient amener plus tard les étudiants à développer des interprétations particulières de l’intégrale définie [2]. Dans cet article, nous envisageons de développer cette idée par l’étude de l’impact des choix institutionnels sur les conceptions des étudiants à l’entrée à l’université avant le nouveau cours d’intégration. Notre analyse s’appuie sur la typologie de conceptions développée par Jones [3]. En fait, ce dernier en a défini quatre types: il s’agit des conceptions d’aire, de primitive, de somme et de limite de somme. Nous nous limitons seulement à trois conceptions, et expliquons les raisons de notre choix.

Conceptions des étudiants des classes préparatoires en Tunisie sur l'intégrale de Riemann

“…L'intégrale est un objet particulièrement complexe qui comporte plusieurs facettes amenant à une pluralité de conceptions (Akrouti, 2021a). Il est investi dans plusieurs domaines inter et intra mathématiques, et pourrait être interprété en termes d'aire, de primitive, de somme ou de limite d'approximation (Orton, 1983 ;Rasslan & Tall, 2000 ;Jones, 2015 ;Akrouti, 2021b).…”

“…Hall (2010) a mis l'accent sur l'influence du langage informel sur la conception des étudiants de l'intégrale alors que d'autres chercheurs (Engelke & Sealy, 2012 ;Sealey & Oehrtman, 2005, 2007Sealey, 2006) se sont focalisés sur la conceptualisation des étudiants de l'intégrale comme limite d'une somme de Riemann. (Rasslan & Tall, 2000 ;Jones, 2013Jones, , 2015Akrouti, 2021a) ont traité la question des conceptions des étudiants sur l'intégrale définie et les ont classés selon une typologie qui montre que pour les étudiants, ces conceptions ne sont pas également représentatives du concept, et ne montrent pas de la même manière son fondement. En effet, Rasslan & Tall, (2000) constatent que la plupart des étudiants n'arrivent pas à donner une définition significative de l'intégrale définie et ont des difficultés à mettre en oeuvre le calcul d'aires dans des contextes variés.…”

“…En revenant à la typologie de Jones (2015), Akrouti (2021b) considère qu'on peut regrouper les conceptions de somme et de limite de somme en une même conception qui définit un processus d'approximation, et qui est enracinée dans les sommes de Riemann. Cette conception est particulièrement utile dans de nombreux contextes mathématiques et physiques, et est considérée comme l'interprétation la plus précieuse qui pourrait donner un sens à l'intégration (Sealy, 2014 ;Simmons & Oehrtman, 2019 ;Akrouti, 2021a), puisqu'elle permet à l'étudiant de construire effectivement un processus permettant de retrouver la valeur de l'intégrale définie en mettant en oeuvre sa structure sous-jacente. Ces travaux montrent qu'en dépit de son utilité, cette conception pose problème aux étudiants qui n'arrivent pas à l'investir dans leurs démarches, et qui préfèrent se plonger dans des procédures de calcul de primitives.…”

“…Par ailleurs, il est devenu un sujet d'intérêt de la communauté de l'enseignement des mathématiques à l'université au cours des deux dernières décennies. En fait, l'intégrale sert de base à de nombreuses applications dans des domaines scientifiques divers et à introduire d'autres concepts mathématiques (Thompson, & Silverman, 2008 ;Sealy, 2006), et se caractérise par une structure qui lui donne une nature multiforme (Akrouti, 2020(Akrouti, , 2021a. Dans l'histoire des mathématiques et de son enseignement, il pourrait bien avoir des interprétations différentes, faisant appel par exemple à la notion de primitive ou à celle d'aire (Akrouti, 2021a).…”