Avec plus de 100 millions d’habitants, l’Égypte est un géant démographique. Le pays gagne désormais un million d’habitants tous les 7 mois et sa population est extrêmement jeune : deux tiers des Égyptiens ont moins de 30 ans. Dans un pays désertique à 96 %, cette augmentation soutenue de la population est présentée comme alarmante. Depuis les années 1950, un discours de crise se construit dans les déclarations politiques et dans les médias. La croissance démographique est accusée de tous les maux du pays : pauvreté, « retards de développement », insécurité, construction illégale, etc. Dans un contexte de changements environnementaux globaux, ce discours se teinte d’une dimension environnementaliste insistant sur la rareté des ressources, en premier lieu l’eau et les terres arables. En s’appuyant sur la presse et sur des entretiens menés dans la région du Delta, cet article analyse le discours de crise qui reporte la responsabilité sur les classes populaires. Face à ce qui est présenté comme un défi majeur, des politiques publiques de réduction de la natalité et des politiques territoriales de fronts pionniers dans le désert – bonification des terres et villes nouvelles – sont menées depuis plusieurs décennies et s’accélèrent aujourd’hui.