Cette étude doit commencer par une réflexion sur les notions du pouvoir et de l'idéologie, les deux mots-clés du colloque dont ce recueil est issu. Parlant du pouvoir dans les manifestations des cultes des saints, il convient de prendre appui dans les réflexions de Peter Brown, qui a dédié une partie de son livre classique sur le culte des saints à leur potentia 1 . Le sens étroit du pouvoir des saints était leur capacité de guérir, de représenter, et parfois même d'exercer « le pouvoir guérisseur de la droite du Dieu », de triompher sur le démon résidant dans les possédés, de les mener à un interrogatoire judiciaire et leur faire confesser la vérité 2 . Un sens plus large de cette « potentia idéale liée à des êtres humains invisibles », était qu'il investissait aussi leurs repré-sentants visibles, les évêques des villes, ou d'autres patrons de leurs reliques 3 . Le cérémonial de l'adventus des reliques des saints est un acte de pouvoir qui emprunte des éléments symboliques et substantiels de la majesté impériale : la société arrangée dans un ordre hiérarchique structuré selon une vision ecclésiastique les reçoit, ils apportent un moment de consensus idéal, ils intègrent les exclus ou les étrangers, ils pardonnent les péchés, dans la communauté entière ils apportent une sorte d'amnistie générale 4 . Finalement, sur un troisième niveau d'analyse, le culte des saints comporte et divulgue une série de propositions marquantes sur la nature du pouvoir séculier. Le martyre est victime d'un mauvais acte du pouvoir, « leurs morts, donc, impliquent davantage qu'un triomphe sur la souffrance physique, elles vibraient encore du souvenir d'un dialogue avec un pouvoir injuste et d'un triomphe sur lui » 5 . Le saint innocemment jugé par les représentants du pouvoir injuste, retourne victorieusement comme leur juge pour corriger toute injustice par la suite. 1 P. BROWN, Le culte des saints : son essor et sa fonction dans la chrétienté latine,