Cet article s’intéresse à la diffusion des topoï d’une vulgate néolibérale, à travers une analyse discursive longitudinale, de 1980 à 2015, des éditoriaux de La Presse , l’un des principaux quotidiens québécois. L’analyse thématique, argumentative, pragmatique et énonciative de ce corpus est menée en dialogue avec les théories économiques impliquées dans les énoncés des éditoriaux. Car, bien que les lieux communs ( topoï ) développés ou mobilisés par La Presse simplifient à l’extrême ces théories, les relations entre ces deux niveaux de circulation sont constitutives des règles de dispersion de l’événement discursif austéritaire. Cette étude montre comment la construction d’un topos anti-déficits dans les années 1980 réfute d’emblée (sans besoin d’argumentation) toute politique impliquant des dépenses publiques. Étudiant comment ce topos s’adapte à différents changements de conjoncture en engendrant et en s’articulant à d’autres topoï austéritaires, l’analyse montre les conditions de possibilité d’une austérité permanente, légitimant entre autres une criminalisation de la grève et une normalisation de lois d’exception, décrétant les conditions de travail des salariés.