Sociologie des troubles mentaux

Entretenir les possibles

“…Le point de départ de cette interprétation courante se trouve dans les transformations organiques qui marquent la venue de la puberté, et qui intéressent conjointement la croissance en hauteur et en poids, et l'installation de la fonction de reproduction, à travers 6 Nous discuterons et nous nous positionnerons de manière détaillée sur le choix ce terme dans la suite de cette thèse. Retenons pour l'instant que nous nous démarquons d'une vision catégorielle et pathologique du trouble et que nous l'envisageons avant tout, comme Lise Demailly le suggère dans une sociologie des troubles mentaux, comme phénomène social (Demailly, 2011).…”

“…Dans la lignée du constat de cette dualité, Henri Dorvil, avec d'autres chercheurs en sciences sociales (Bastide, 1966;Corin et al, 2011;Demailly, 2011;Dufrancatel, 1968;Ehrenberg et Lovell, 2001a;Le Moigne, 2005;Sicot, 2006;Velpry, 2008) soulignent toute l'ambiguïté qui règne autour de la maladie mentale, cette « entité frontière chevauchant à la fois la maladie et la déviance » (Dorvil, 1990, p.49) qui n'était pas désignée comme une pathologie au début du XIXe siècle, mais était davantage associée à la notion de folie. C'est Sigmund Freud et l'invention de la psychanalyse, qui ont progressivement fait disparaître l'idée de folie au profit de la reconnaissance de la maladie mentale (Foucault, 1961).…”

“…Mais encore, le trouble mental est mobilisé comme objet central ou périphérique de recherches en sciences sociales (Brochard, 2021;Corbière et Durand, 2000;Coutant, 2018;Demailly, 2011 Moreno Pestana et al, 2008;Parron et Sicot, 2009a) et a donc un statut identifiable dans notre champ d'études. De plus, il possède une connotation claire sur le versant « fragile » de la santé mentale, ce qui nous semble répondre le plus justement à la population à laquelle se destine l'action publique analysée visant à capaciter les jeunes par le soin et l'insertion.…”

“…Bien qu'il existe des explications biologiques et génétiques des troubles, notre perspective est avant tout compréhensive, dans la mesure où il s'agit plutôt de s'immerger dans la réalité des acteurs qui se servent de ces nosographies. Rappelons donc que nous situons notre approche dans une sociologie des troubles mentaux (Demailly, 2011) ou plus largement dans une pensée sociologique de la maladie psychique (Bastide, 1966;Dorvil, 1990;Goffman, 1975;Lovell, 2003;Otero, 2015;Parron, 2015;Rothé et al, 2013;Sicot, 2006) dans le sens où l'on se donne pour objectif d'apporter des éléments d'observation sur le fonctionnement du trouble mental envisagé comme « (…) phénomène social, ainsi que sur les processus de prise en charge saisis dans leurs dimensions relationnelle, organisationnelle, professionnelle et politique » (Demailly, 2011, p.3).…”

“…Faire valoir une approche sociologique des troubles mentaux avec un accent particulier sur nos jeunesses contemporaines permet de mieux profiler notre objet d'étude, mais cela n'en dit pas encore suffisamment sur la dimension sociale des troubles que nous souhaitons explorer dans le cadre de cette recherche. En effet, comme l'expliquent différents chercheurs en sciences sociales travaillant sur ces questions (voir par exemple : Coutant et Wang, 2018;Demailly, 2011;Demailly et Garnoussi, 2016a;Doucet et Moreau, 2014;Dufrancatel, 1968;Ehrenberg et Lovell, 2001a;Le Roy-Hatala, 2007;Lezé, 2008;A. Lovell, 2003;Moreno Pestana et al, 2008;Otero, 2005), il existe une diversité de manières d'étudier les troubles mentaux comme des faits sociaux.…”