> À la suite d'un traumatisme de la moelle épi-nière, la plupart des patients développent une exagération du tonus musculaire, appelée spasticité, qui aboutit souvent à une incapacité motrice. Dans cette revue, nous résumerons les principaux mécanismes physiopathologiques de la spasticité qui découlent d'une lésion médul-laire, puis décrirons l'apport de nos récents travaux identifiant une protéase, la calpaïne, comme le promoteur de ces mécanismes physiopathologiques. Cette découverte ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques dans le traitement de la spasticité. < . En raison de ses nombreuses étiologies, nous ne disposons pas d'estimation fiable de l'incidence mondiale de la spasticité, mais on évalue à environ 12 millions le nombre de personnes atteintes. La première défi-nition de la spasticité provient des travaux de Lance en 1980, qui la décrit comme « un désordre moteur caractérisé par une augmentation vitesse-dépendante du réflexe d'étirement (hypertonie musculaire), qui est associée à l'hyperexcitabilité de l'arc réflexe myotatique… » [4]. Concrètement, l'étirement d'un muscle lors d'une mobilisation passive de l'articulation provoque une contraction réflexe (voir plus loin « l'arc réflexe myotatique ») qui s'opposera au mouvement, et dont l'exagération définit la spasticité. Cette résistance au mouvement sera proportionnelle à la vitesse de mobilisation de l'articulation. Cependant, le tableau clinique de la spasticité est bien plus large que la définition de Lance [5]. Elle s'accompagne de troubles variés, associés à la pluralité des atteintes lésionnelles. Par exemple, l'hypertonie permanente (dystonie) peut apparaître en l'absence de tout étirement et modifie les propriétés viscoélastiques du muscle en le rendant moins extensible (raideur). À plus long terme, des raccourcissements musculo-tendineux (rétractions musculaires) déforment les articulations (Figure 1a). Il n'est pas rare que la spasticité s'accompagne de clonies (des contractions brèves et répétées du muscle) et de spasmes (des contractions involontaires transitoires du muscle) qui peuvent survenir spontanément ou en réponse à une stimulation Le fonctionnement du système nerveux repose sur un équilibre entre l'activité des neurones excitateurs et celle des neurones inhibiteurs. Cette balance excitation/inhibition permet une régulation fine des différentes actions de notre corps (respiration, mastication, locomotion, etc.). Elle permet notamment une coordination de nos mouvements locomoteurs qui repose sur une alternance des contractions entre les muscles fléchisseurs et extenseurs lors de la marche. Après une lésion de la moelle épinière, un déséquilibre de la balance excitation/inhibition perturbe la coordination locomotrice en raison d'une exagération du tonus musculaire (hypertonie) et de co-contractions des muscles fléchisseurs et extenseurs. Ces troubles moteurs, qui s'apparentent à de la spasticité, émergent chez la plupart (environ 75 %) des personnes présentant une lésion de la moelle épinière, plusieurs mois après le traumatisme [...