Contexte. L’analyse de la parole permet de repérer des troubles cognitifs subtils, notamment car la prosodie contient des éléments fins, comme les pauses, qui peuvent être des marqueurs comportementaux de Troubles NeuroCognitifs. Cependant, l’absence de méthodes simples et détaillées compromet la faisabilité d’une telle analyse en clinique. Les Troubles NeuroCognitifs mineurs (TNCm) désignent un changement cognitif rapporté par un individu pour lequel l’autonomie est préservée. Cette appellation recouvre de nombreuses physiopathologies sous-jacentes, tel que le Cancer-Related Cognitive Impairment (CRCI). Ce trouble cognitif induit par un cancer et ses traitements, est un TNCm principalement caractérisé par une plainte mnésique (« j’oublie ce qu’on me dit ») et linguistique (« je cherche mes mots ») dont la fréquence et l’intensité ne sont pas corrélées aux scores des tests orthophoniques ou neuropsychologiques. Le manque d’outil d’évaluation suffisamment sensible pour déceler ce trouble subtil conduit souvent à un sous-diagnostic. De nouvelles méthodes, comme l’analyse de la parole, sont donc souhaitables pour évaluer le CRCI.
Objectifs. Les objectifs de cette étude sont (i) de proposer une méthode d’analyse des pauses applicable en clinique, (ii) d’identifier les personnes porteuses d’un CRCI grâce à cette méthode.
Méthode. Treize participantes post-cancer du sein et treize participantes contrôles saines ont été incluses. Toutes ont eu pour instruction de raconter une histoire à partir d’une séquence d’images qui leur était présentée. Leur production orale a été enregistrée, puis transcrite automatiquement avec Whisper et analysée sur les logiciels SPPAS et Praat. Les pauses silencieuses, pauses remplies (« euh ») et allongements vocaliques (« un petiiit garçon ») ont été annotés, puis ont fait l’objet d’une analyse statistique sur JASP.
Résultats. La durée des pauses silencieuses des participantes post-cancer du sein était significativement plus longue que celle des contrôles. En revanche, la durée des pauses remplies et des allongements vocaliques n’a pas montré de différence significative entre les deux groupes. De même, le taux de pauses (nombre d’occurrences / durée totale du discours) ne montre pas de différence significative entre les deux groupes.
Conclusions. Cette étude décrit en détails les étapes d’analyse des pauses en vue de son applicabilité clinique. Les résultats suggèrent que la durée des pauses silencieuses permet de différencier les participantes post-cancer ayant une plainte cognitive des participantes contrôles.