Résumé L'acquisition de la norme sociolinguistique française pose des problèmes considérables aux locuteurs non-natifs. L'analyse de la variation dans l'omission du ne dans un corpus d'interlangue avancée de 27 apprenants néerlandophones interviewés dans une situation informelle et formelle confirme que l'instruction formelle est insuffisante pour la maîtrise de la norme sociolinguistique native. Une majorité de locuteurs omettent le ne un peu moins souvent dans une situation formelle mais la variation va dans le sens opposé pour une minorité de locuteurs. L'observation et surtout la participation à des interactions authentiques avec des locuteurs natifs stimulent l'acquisition de la norme sociolinguistique. Une analyse statistique révèle que différentes variables socio-biographiques, psychologiques et situationnelles déterminent la variation intra-et interindividuelle dans les taux d'omission du ne.
IntroductionEn dehors des pays francophones, l'apprentissage du français se déroule généralement en milieu guidé 1 . C'est dans la classe de langue que l'apprenant acquiert le lexique, les règles de syntaxe et de morphologie qui lui permettent de communiquer dans la langue-cible. Dans l'enseignement des langues, on met actuellement l'accent sur la compétence communicative (Yalden, 1991). Cela signifie, en théorie, que l'élève apprend des actes de langage dans la langue-cible et acquiert par ce biais une compétence sociolinguistique et grammaticale. Le programme officiel pour l'enseignement du français en Flandre (Leerplan Secundair Onderwijs), par exemple, spécifie ainsi que la composante grammaticale est subordonnée aux objectifs communicationnels (1997a: 23). Dans son étude sur les manuels de français en Flandre, Pierrard (1993) constate que la méthode audiovisuelle cèda progressivement la place vers la fin des années 70 aux approches communicatives. La salle de classe reste cependant un environnement très particulier. Il existe une différence de taille entre le professeur qui enseigne des actes de communication et qui demande aux élèves de les répéter et l'élève qui se trouve dans des situations de communication authentiques en dehors de son cocon scolaire. Un des problèmes de la communication en salle de classe est que les élèves parlent relativement peu entre eux (Foster, 1998) et que les professeurs eux-mêmes ne s'engagent pas suffisamment dans des interactions négociées avec les apprenants (Lyster, 1998). Les apprenants ont peur de s'exprimer, et la piètre opinion qu'ils ont de leur propre compétence les décourage d'utiliser la langue-cible avec des locuteurs natifs en dehors de la salle de classe (Tarone et Swain, 1995; Cohen, 1997). Ils entrent donc dans un cercle vicieux dont ils sortent difficilement (MacIntyre et Charos, 1996; Baker et MacIntyre, 2000). Le manque de compétence sociolinguistique renforce l'isolement linguistique des élèves. Il est ainsi peu probable que l'élève ait appris l'argot et les registres familiers dans lesquels la majorité des francophones s'expriment la plupart du temps (Dewael...