Les délinquants sexuels condamnés subissent une stigmatisation supplémentaire à celle d'être un criminel, laquelle est attisée par les accusations. Cette stigmatisation dont souffrent les délinquants sexuels incarcérés a déjà été étudiée du point de vue des professionnels et des auxiliaires travaillant au sein des services correctionnels, mais jamais du point de vue des autres prisonniers. Grâce à des entrevues semi-structurées effectuées auprès de 56 hommes canadiens libérés sur parole, cette étude examine la manière dont les hommes incarcérés dans une prison fédérale stigmatisent les délinquants sexuels ainsi que la forme, la portée et les répercussions de cette stigmatisation. D'un point de vue empirique, les expériences vécues de délinquants sexuels incarcérés ont été examinées ainsi que leurs interactions avec d'anciens prisonniers incarcérés pour des crimes non sexuels et la perception qu'ont ces derniers des délinquants sexuels. En théorie, l'étude était encadrée par la théorie de Goffman (1963), laquelle fournit des renseignements en matière de portée, de dynamique et de répercussions de la stigmatisation dont souffre les délinquants sexuels, telle que créée par les autres prisonniers. En soi, cette stigmatisation façonne l'expérience d'incarcération des délinquants sexuels. Par ailleurs, et de manière intéressante, la menace de subir une telle stigmatisation est bien réelle chez les prisonniers n'ayant pas été incarcérés pour des crimes sexuels. Les résultats suggèrent aussi que cette stigmatisation peut se manifester sous forme de violence physique/verbale, d'exclusion sociale et de victimisation et peut faire partie des politiques et de la structure de la prison. Compte tenu du climat politique actuel du Canada, et du fait que les établissements correctionnels renfermant des délinquants sexuels sont en train de fermer et que leurs prisonniers sont déménagés, cette étude est particulièrement pertinente et importante -surtout dans son examen du risque potentiel que de nombreux délinquants sexuels courent s'ils sont transférés vers un nouvel établissement où la stigmatisation pourrait prévaloir.6 2013 CJCCJ/RCCJP