À la fin des années 1940, les photo-filmeurs se multiplient dans les rues des villes, photographiant les passants pour leur vendre leurs portraits. Or cet essor est combattu tant par les syndicats de photographes établis, qui considèrent ces nouveaux venus comme des concurrents déloyaux, que par les pouvoirs publics qui font surveiller leurs activités par la police. À partir d’une étude de cas, cet article analyse les enjeux du conflit et brosse le portrait des acteurs incriminés. En articulant différentes échelles d’analyse, de la trajectoire individuelle à la stratégie collective, des mesures locales aux débats nationaux, il montre que cette querelle est au cœur d’une redéfinition du groupe des photographes : elle est un marqueur de la mutation de leur fonction sociale, économique et symbolique. Enfin, la démarche, croisant histoire sociale et sociologie du travail, met en évidence la dynamique de professionnalisation instiguée par les syndicats, en même temps que son échec. Malgré ces tentatives, les délimitations du groupe des photographes professionnels restent poreuses en France, et ce jusqu’à aujourd’hui.